Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 244 Écriture du gascon<br />
de la forme prise par le pronom lo enclitique après que, se (= si), de, no que tous les grammairiens<br />
classiques notent que’u, se’u, de’u, no’u tout en précisant systématiquement que l’on doit prononcer<br />
[du, pu, ku, su, du, nu].<br />
Historiquement, ces graphies sont sans doute les plus anciennes, mais elles correspondaient<br />
très certainement à des prononciations en [e*] (et [su*]); la meilleure preuve en est que ces prononciations<br />
sont toujours vivantes vers l’est du Béarn. Mais en synchronie, c’est bien différent, comme<br />
le laisse supposer le silence des grammairiens sur la prononciation en [e*] et, plus sûrement, comme<br />
le montre l’ALG :<br />
Pour ce qui est de l’article lou, quatre cartes du vol. VI traitent du rendu de “du” ou “des”<br />
d’après les enquêtes menées dans les années 60 par X. Ravier, avec le sérieux que l’on sait; mais la<br />
plus significative est la c. 2461, du + père (pay) qui affiche [du] sur la quasi totalité du domaine;<br />
[da*] en Médoc et en un point de l’Entre-deux-Mers; et [do*] en 9 points seulement, 3 en Entredeux-Mers,<br />
à <strong>Lafitte</strong>-sur-Lot et Aguillon, à Soustons et, en Béarn, Billère, Lasseube et Bielle (« à<br />
Pau et vers le Sud du Béarn » dit Palay); mais aucun [de*] ni [d!*]; la suivante, 2462, traite des correspondants<br />
de “des”, qui coïncident sensiblement ceux de “du” de la précédente, sauf en Gascogne<br />
toulousaine, qui dit [du] au singulier, mais [dez/des] au pluriel; et pour mémoire les c. 2843 et 2844<br />
qui traitent des partitifs pluriels : comme la norme syntaxique gasconne est de ne pas user du partitif,<br />
ce n’est qu’en Gironde qu’on en rencontre, et cela n’apporte rien pour notre problème.<br />
Pour le traitement de lou pronom, les informations sont concourantes : après l’énonciatif que,<br />
là où il est employé, la carte 2243 rejoint en gros la 2461 “du”, mais avec d’assez importantes exceptions<br />
: d’abord, quelques [k%*] perdus dans la vaste zone de [ku] et surtout une zone [ka#] relativement<br />
importante, en Haut-Comminges; enfin [ke*] en 6 points seulement de l’est pyrénéen;<br />
avec la négation ne ou no, selon la c. 2252, là où la syntaxe place ce complément à sa suite (Béarn<br />
et zone pyrénéenne), [nu] est la règle, même avec no, de telle sorte qu’on ne distingue pas no seul<br />
de no + lo; mais çà et là, on rencontre des [n%*], bien plus rarement, des [na*] et un seul [nœ*] à<br />
Pontacq; la c. 2251 traite de même de “pour le”, avec “pour” rendu le plus souvent par enta, donc<br />
enta’u, sans problème; mais là où l’on emploi ende (nord-ouest du Gers et bordure des Landes limitrophes),<br />
c’est [en'du].<br />
Les prononciations en [u] sont donc aujourd’hui largement majoritaires sur l’aire gasconne,<br />
mais [o*] et [e*] semblent encore vivantes çà et là, dans l’est du Béarn notamment; il est donc logique<br />
que les grammairiens béarnais, tous originaires de l’est du Béarn, aient privilégié les formes en<br />
[e*] et parfois [%*] : Lespy, Palois, Bouzet, de Pontacq, Courriades, de Soumoulou et même Hourcade,<br />
d’Eysus en Vallée d’Aspe; et MM. Moreux et Puyau ont travaillé principalement avec des locuteurs<br />
naturels de l’est béarnais. En revanche, R. Darrigrand, d’Orthez, P. Bec, Commingeois, M.<br />
Grosclaude, “étranger” installé à Orthez, et J.-P. Birabent et J. Salles-Loustau, désireux de présenter<br />
un « gascon commun » (p. 9) ont naturellement consacré les seules formes en [u].<br />
Mais alors, pourquoi les écrire en eu, e’u au lieu de o, seule forme que L’application… ait<br />
prévue pour rendre “ou” ? archaïsme délibéré, malgré le principe B de l’I.E.O. ? Bien que R. Darrigrand<br />
et P. Bec soient les seuls à se référer expressément à L’application…, il est vraisemblable que<br />
cette graphie résulte d’un court passage de ce document, p. 3 : « [écrire] eu au lieu de o : deu, peu et<br />
non do, po. ». Mais je pense que ce texte a été mal compris, faute d’avoir été rapproché de son correspondant<br />
dans La réforme… de 1950.