Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 74 Sociolinguistique du gascon<br />
Et malheureusement, la médiocrité ne se cantonne plus aux niveaux élémentaire et<br />
secondaire, comme l’observe Philippe Carbonne (2003, p. 290), professeur d’université en<br />
mathématiques, ancien président de l’I.E.O. et locuteur languedocien depuis son enfance :<br />
« …je m’aperçus qu’un enseignant d’occitan dans une université, donc quelqu’un<br />
qui forme les enseignants de demain, qui est aussi un romancier, ne respectait jamais la<br />
règle [de la place des pronoms dans un groupe de verbes] dans ses œuvres. […]<br />
« Quand j’entends un responsable de haut niveau de l’éducation nationale me parler<br />
de problème et y revenir plus d’une fois, je me dis qu’en fait de problèma, il y en a un gros<br />
[…] 15 .<br />
« Dans le manuscrit d’un écrivain aujourd’hui reconnu, qui est aussi professeur<br />
d’occitan, je vois “un jeune homme sous le calpre [{charme}, l’arbre !] d’une femme. ».<br />
Quant au linguiste Jean-Pierre Chambon, peu enclin à la “langue de bois”, il éreinte sans ménagement<br />
Maurice Romieu et André Bianchi, « provençalistes des universités de Pau et de Bordeaux<br />
», à propos de leur ouvrage didactique La lenga del trobar. La langue du trobar. Precís de<br />
gramatica d’occitan ancian. Précis de grammaire d’occitan ancien publié aux Presses universitaires<br />
de Bordeaux en 1999 (Compte rendu dans la Revue de linguistique romane n° 267-268, 7-<br />
12/2003, pp. 576-583) : écrit en occitan, et en français par « concession », c’est « un ouvrage en<br />
quelque sorte militant », et l’on verra bientôt, p. 83, le procès que J.-P. Chambon fait à la linguistique<br />
occitane militante. De fait, les auteurs veulent dès le titre faire coïncider la langue littéraire des<br />
Troubadours avec l’occitan médiéval et répètent un certain nombre d’idées reçues dans les milieux<br />
occitanistes, dans la méconnaissance totale des résultats de la recherche de la seconde moitié du<br />
XX e s. C’est là « un danger réel pour les études portant sur la langue d’oc dans notre pays ». Et de<br />
poursuivre l’exposé de nombreuses erreurs ou impasses scientifiques, accompagnées d’une<br />
normalisation des formes anciennes « sans que le lecteur en soit averti », selon une pratique<br />
fréquente chez les occitanistes (cf. Annexe XVIII). « Le linguiste peut ainsi contempler, non sans<br />
stupeur, mais en même temps avec beaucoup d’intérêt, le procès de standardisation de l’ancien<br />
occitan… par les soins des grammairiens du 20e siècle. » J.-P. Chambon conclut enfin :<br />
« Le Précis de grammaire d’occitan ancien se donne deux publics : “les étudiants -<br />
ou même les curieux” (p. 10). On a fourni plus haut quelques-unes des raisons qui poussent<br />
à déconseiller l’ouvrage aux étudiants (qu’on exhortera, comme il se doit, à se plonger<br />
d’entrée dans la lecture des bons auteurs); il faut cependant convenir que les curieux ne<br />
seront pas déçus. Les auteurs assurent que “[leur] ambition n’est pas de remplacer ce qui<br />
existe déjà” (p. 9) : de ce point de vue, leur travail est une impeccable réussite. »<br />
La seule consolation est que cet ouvrage ne touche pas à la langue contemporaine et ne nuira<br />
pas à l’apprentissage du gascon pour lequel il existe de « bons auteurs ».<br />
Pourtant, si l’on ajoute à cela les dérives politiques de quelques enseignants-militants (cf. p.<br />
79, la falsification de la « dictée occitane ») 16 , on peut parfois douter de l’opportunité de dépenser<br />
l’argent public à maintenir des postes pour enseigner l’oc comme langue vivante “régionale”. Alors<br />
qu’il est une langue morte qui mérite que l’on fasse des efforts pour l’enseigner, c’est le latin, langue<br />
mère de toutes nos langues romanes, cultivée par les Anglo-Saxons comme par les Germains,<br />
et jusque chez les Finlandais (pensons à Veiko Väänänen !). La langue de Mistral, de Camélat, de<br />
Palay et d’Arnaudin, cela peut être une excellente activité culturelle pour beaucoup, mais est-ce à<br />
15 Un <strong>Gascon</strong> pourrait cependant se justifier par proublèm" du Dictionnaire de Palay, qui se prononce bien en -[e].<br />
16 Je préfère mettre au compte d’un lapsus « non révélateur » un mot de l’anonyme présentant le Cap’Òc, « outil de<br />
l’Éducation nationale au service de tous les enseignants d’occitan de l’Académie de Bordeaux » à la p. 18 du dossier de<br />
Lettres d’Aquitaine étudié pp. 46-47; y sont évoquées les « “Maiadas”, ces rassemblements pédagogiques d’élèves<br />
occitanistes organisés par l’Éducation nationale ».