Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 328<br />
Écriture du gascon<br />
éventuelle forme affriquée sonore en [ù]. Plus “gascon” est le témoignage de la carte “carrefour”<br />
(III, 780); certes, une grande partie du domaine a des mots comme quoate camîns, crouts de camîns<br />
ou cayrehourc, mais le sud des Landes, le Béarn et la Bigorre principalement, ont des dérivés de<br />
crouts :<br />
– [kru'zadœ] (crousade / crosada) vers Bayonne, en Chalosse et en Marensin;<br />
– [kru'+adœ/%] (croudzade / crodzada) ou [kru+œ'men]/[kru+%'men] (croudzamén /<br />
crodzament) pour la majeure partie de cette région;<br />
– en sept points, de surprenantes variantes en [krutz]- (croutz- / crotz-) de prononciation difficile<br />
(sourde + sonore).<br />
Les adeptes de la graphie fébusienne ont les mêmes hésitations graphiques que Palay et leur<br />
étude n’éclairerait pas davantage la question.<br />
En conclusion, les dérivés de -tz se prononcent très généralement -[+]-, parfois -[z]-, plus<br />
rarement encore -[s]- ou même -[ts]-. Et pour ces mots, comme pour tous ceux où se rencontrent ces<br />
sons, la cohérence de la graphie moderne appelle une stricte notation phonologique.<br />
Pour la graphie, ma conclusion est la même qu’en graphie classique, p. 282 : notation générale<br />
de /dz/ et /ts/ intervocaliques respectivement par -dz- et -ts- : croudzade, pudza {puiser}…<br />
comme doudzë, eudzë {yeuse}…, et batsarre, batsaca {ressasser, saccager}; le passage de dètz à<br />
dedzau s’inscrit en effet dans la même logique que celui de aymat à aymade. Et, bien sûr, pour les<br />
formes non-affriquées, /z/ sera -s- entre voyelles et /s/, -c- ou -ç- : crousa, pusa, Crouselhes, pacerie<br />
{accord de paix}, viça {visser}.<br />
Le son /s/ : notation par s (ou ss) ou par c (ou ç) ?<br />
Les règles de 1900 et 1905 de l’Escole Gastou Febus mentionnaient la valeur [s] de c devant e<br />
et i, tout comme la notation de [s] par s dans les mêmes conditions qu’en français, mais ne donnaient<br />
aucune indication sur le choix entre s et c. Celles de 1905, en tout cas, excluaient expressément<br />
le ç devant a et o; c’est Bouzet, nous l’avons vu, qui l’a réintroduit, et Palay a suivi.<br />
Et curieusement, Palay qui se référait assez souvent à l’étymologie dans ses choix entre lettres<br />
de même valeur (cf. p. 139) ne semble pas avoir noté de critère pour s ou c. Mais il était certainement<br />
étymologique, puisque seul l’étymon ‘cicer’ peut expliquer que Palay ait écrit que sès" est une<br />
« Mauvaise graphie de cés", pois. »; et les exemples de graphies en c donnés par les règles de 1900<br />
et 1905 ont la même justification : cébe {oignon}, cèu {ciel}, cibade {avoine}, boucî {bouchée}.<br />
En finale, cependant, ces règles et Palay ne connaissent que -s, alors que la graphie classique<br />
use de ç pour les mêmes raisons étymologiques.<br />
On a même vu p. 183 que MM. Moreux et Puyau ont renoncé à toute norme sur ce point : la<br />
notation de /s/ « peut être laissée à l’appréciation de chacun car une solution uniformisante<br />
heurterait trop les habitudes. » mais écarté eux aussi le -ç en finale, au risque d’inconséquences en<br />
dérivation : bras, abrassa… mais braçalét.<br />
Même si la pratique de la graphie classique n’est pas exempte d’erreurs par méconnaissance<br />
de l’étymologie, j’estime que sa norme est préférable au laisser-aller, donc à la fantaisie et à<br />
l’arbitraire, les dictionnaires orthographiques étant faits pour lever les doutes des scripteurs. On<br />
notera donc par c le /s/ issu d’un ce ou ci ou ti latin, voire d’un chi comme pour braç < ‘brachium’. Au