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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 92 Sociolinguistique du gascon<br />

qui nous réunit. Et souvent, il s’en faut de beaucoup que notre parole soit naturelle et<br />

plaisante. » Michel Pujol (2001).<br />

Et qui pourrait chiffrer le cout de la traduction en oc, même unifié, de l’immense “littérature”<br />

scientifique et technique qui commande tout travail moderne ? Déjà, on n’arrive pas à le faire de<br />

l’anglais au français… Nous sommes en-dessous de la masse critique, et celui qui veut être lu écrit<br />

en français (cf. Henri Gougaud, cité p. 63).<br />

Il faut des langues à l’échelle du monde…<br />

En élevant le débat, d’ailleurs, on se rend bien compte que la vie et la mort des langues sont<br />

liées à leur utilité sociale, donc d’abord comme moyen de communication de la pensée, utilité dont<br />

l’intérêt culturel n’est qu’une partie, selon le vieil adage Primum vivere, deinde philosophari… Et<br />

le fait est que les peuples adoptent les langues qui leur paraissent les plus utiles.<br />

Or cette utilité s’apprécie différemment selon qu’on est un sédentaire vivant en autarcie ou<br />

presque ou qu’on est un “itinérant”, à la recherche d’aventures, de profits ou simplement de survie.<br />

Parlant du passage graduel du latin aux langues romanes, le Pr. Michel Banniard situe le début de<br />

l’étape dite Latin parlé tardif de phase 2 (LPT 2), soit en Gaule le latin mérovingien, au VI e s.,<br />

lorsque le latin commençait à se dialectaliser du fait du ralentissement des échanges au sein de<br />

l’Empire; et d’ajouter que c’est un fait bien connu que les parlers ne sont naturellement homogènes<br />

que dans le rayon d’un aller et retour de la journée; au delà, il faut des institutions dynamiques pour<br />

entretenir l’unité des parlers, comme ce fut le cas à la belle époque de l’Empire romain.<br />

Le morcèlement du monde au haut moyen-âge a donc facilité l’apparition de nos langues<br />

romanes, continuatrices d’un latin diversifié dans l’espace. À cet égard, il est symptomatique que<br />

les délais de procédure fixés selon la distance par les anciens Fors de Béarn délimitent dans<br />

l’espace des zones qui coïncident avec nos découpages linguistiques : une zone proche, la “Terre de<br />

Béarn” qui parle béarnais, une zone moyenne qui s’arrête à la Garonne, comme le gascon, et le<br />

reste du monde, au-delà du fleuve et des Pyrénées… (cf. Annexe X).<br />

Mais à l’inverse, même diversifiées, les langues romanes étaient un outil de communication<br />

externe, de telle sorte que Ricardo Cierbide (2003, p. 23), de l’Université du Pays basque, achevait<br />

ainsi sa contribution au Colloque de Burgos d’octobre 2001 :<br />

« Du point de vue de son expansion [dès le XI e s.], la variante romane [de Navarre]<br />

s’imposa à côté de la basque, probablement pour des raisons de communication dans son<br />

environnement castillan, aragonais et occitan, l’euskara restant confiné dans les<br />

communautés les plus archaïsantes et les moins communicantes. »<br />

Et c’est encore plus vrai depuis : la constitution d’états modernes à l’économie dynamique a<br />

entrainé l’émergence des langues préférées non seulement des princes, mais encore et surtout des<br />

couches les plus entreprenantes de la société. Là encore, je citerai M. Banniard : il pense pouvoir<br />

expliquer l’apparition d’une littérature romane en domaine “français” quelques siècles avant les domaines<br />

italien et espagnol par la demande des “potentes” d’Austrasie qui, à l’instar de leurs cousins<br />

de l’est pour leur parler germain, avaient souhaité des œuvres littéraires dans leur langue romane.<br />

Et de rappeler que c’est par fierté nationale de Latins que l’aristocratie sénatoriale hellénisée appela<br />

l’émergence d’un latin littéraire capable de se substituer au grec; puis que la même aristocratie devenue<br />

chrétienne a facilité l’émergence du latin littéraire des Pères du IV e siècle. Or les “potentes”<br />

— nous dirions lous capulats en béarnais — d’oc n’ont jamais été en état de formuler une telle

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