Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 48 Sociolinguistique du gascon<br />
“occitanie” sont devenus d’excellents slogans publicitaires. Mais finalement, tant mieux !<br />
N’y voyons pas seulement les dangers, mais voyons y également la preuve de la réussite<br />
de nos efforts militants. Au moment d’ailleurs où certains dénigrent ce mot qui, pour nous,<br />
symbolise notre pays enfin retrouvé, il n’est pas négligeable qu’un historien sérieux qui<br />
n’est ni occitan ni occitaniste nous apporte ainsi sa caution. »<br />
Il feignait d’ignorer que Montaillou est en zone languedocienne, à qui l’épithète savante<br />
d’« occitan » convient sans conteste, et aussi que ces mots ont quelque chose d’un exotisme intérieur<br />
6 qui plait à l’intelligentsia qui achète ce genre de livres savants, mais reste étranger au<br />
“Français moyen”. Un quart de siècle plus tard, il en témoigne lui-même, quand il déplore le silence<br />
de la presse sur l’Occitanie :<br />
« Quand il est question de l’enseignement des langues régionales, on parle du corse,<br />
du basque, du breton et de l’alsacien. De l’occitan et de l’Occitanie, jamais ou presque<br />
jamais. [La cause serait] dans le subconscient français. […] que des régions périphériques<br />
accèdent à une certaine reconnaissance de leur identité [ce serait acceptable, mais pas<br />
pour] l’Occitanie qui représente un bon tiers du territoire » (2000-2).<br />
Certes, cela se défend, de même qu’on peut penser que le libéralisme linguistique de<br />
l’Espagne et même de la Catalogne à l’égard du Val d’Aran s’explique par la taille minuscule de ce<br />
territoire situé sur le versant français des Pyrénées. Mais sans aller fouiller le subconscient, il parait<br />
bien plus évident que les quatre langues évoquées, corse, basque, breton et alsacien, sont nommées<br />
de leur nom multiséculaire, sans équivoque et connu de tous les Français. Alors que l’“occitan”… 7<br />
C’est aussi sans doute la leçon du choix d’Omnivox pour des noms sans équivoque pour ses<br />
manuels d’apprentissage des dialectes (ou langues) d’oc… Mais quand on est un idéologue qui<br />
compte sur les subventions publiques pour équilibrer les comptes de ses publications, on est peu<br />
porté à chercher à savoir ce que sentent et comprennent les acheteurs et lecteurs potentiels que sont<br />
les locuteurs de nos langues.<br />
IV – Aujourd’hui : le regard des locuteurs<br />
J’envisagerai d’abord le point de vue des locuteurs, ou tout au moins de ceux qui ont approché<br />
d’assez près la langue gasconne et béarnaise pour en avoir leur petite idée. Après un bref rappel<br />
d’une petite enquête béarnaise de 1974, je m’appuierai surtout sur celles des dix dernières années.<br />
L’enquête béarnaise de 1974 (J.-P. Latrubesse, 1974)<br />
Ce fut une enquête par questionnaire papier rempli, avec l’aide d’enseignants, par des parents<br />
d’élèves de « quelques villes (ou villages types : Pau, Castétarbes, Sault-de-Navailles, Artix,<br />
Asson »; en fait, à part Pau et Asson, village au pied de la montagne, ce sont surtout trois villages<br />
des alentours d’Orthez. Une centaine de réponse seulement ont été recueillies, et n’ont été prises en<br />
considération que celles des <strong>Béarnais</strong> d’origine, les non-<strong>Béarnais</strong> étant trop peu nombreux pour que<br />
leurs réponses fussent significatives. L’intérêt majeur est que la langue n’y a été désignée que<br />
comme « <strong>Béarnais</strong> » : Connaissance du <strong>Béarnais</strong> ?, Trouvez-vous normal qu’on parle <strong>Béarnais</strong> aux<br />
enfants ?, Pensez-vous que le <strong>Béarnais</strong> est une langue, un dialecte ou un patois ? etc. Pour cette<br />
dernière question, 35 % ont dit langue, 17 % dialecte et 48 % patois, mais on ne sait comment<br />
6 Aujourd’hui, cette mode semble dépassée; par exemple, Télérama, pourtant ouvert aux cultures du monde, présente<br />
ainsi les personnages du téléfilm Malaterra tourné dans les Alpes de Haute-Provence : « Ils sont moches, sales,<br />
dégénérés, parlent occitan pour faire plus vrai, font de grands “ssslurps” en mangeant leur soupe […] » (n° 2860, du<br />
6 au 12 novembre 2004, journée du 11 novembre).<br />
7 Cf. la lettre du lecteur Pierre Boissière, citée p. 82, qui réagit justement à cet éditorial de M. Grosclaude.