Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 285 Écriture du gascon
que les “populaires” arredicsè, bacsa mentionnés p. 283, et encore plus des suivants, dont la prononciation
en [ks] ressort à l’évidence des graphies de Palay : circounflècc" ou -flèx", flucs ou flux
(fluccioû ou fluxioû), relacçà ou relaxà {relaxer} (relacç" [sic] ou relax"), retacçà ou retaxà {retaxer}
(retacçasioû [sic] ou retaxacioû). Pourtant, les Fiches de grammaire… ne donnent que [1]
dans les deux exemples luxúria et luxe (pp. 33 et 35), selon le traitement languedocien. Cela doit
pourtant être assez rare; dans les Coundes biarnés de Yan Palay, père de Simin, on lit « Que fitssén
lou menut » {ils fixèrent le menu} dans La ribote a boû counde, mais « que serèy ficsat » {je serai
fixé} dans Lou Curè de Seroû e lou mounye, et aussi « yenuflecsioûs » {génuflexions} dans Lou
curè de Sèdze e lou talhur. Lespy donne letsoun {leçon} pour la région de Bayonne; ce serait une
variante du lecsoun d’Arnaudin, plus au nord dans le domaine; et chez Rectoran († 1952), les prénoms
bayonnais Alètsandre, Alètsis et Félits; mais Que parlam ! (1996) transcrit phonétiquement
par x français celui de anexa (p. 82) et de boxa (p. 124). On en reste donc avec la norme [ks], ici
comme en finale, avec la possibilité de [1] en certains endroits.
L’exception, c’est encore le préfixe ex, [e+] : « Examen. Prononcez bien “edzamén” »
(Grosclaude, 1977, p. 49). Les Fiches de grammaire d’occitan gascon normé (cf. p. 170) donnent
également la prononciation [egz] (et non [kz] du Mémento !), mais le seul exemple exercici est en
[+] (p. 35); [gz], prononciation française, n’est pas recommandable pour un gascon authentique.
Que faire donc pour la graphie ? L’affectation de x au rendu multiséculaire de /#/ et la complexité
de sa “bonne” lecture en gascon authentique nous empêchent de lui donner d’autres valeurs.
Il apparait à l’évidence que s’impose l’abandon de cette lettre généralement biphonématique,
comme à ses origines grecques, et de la remplacer par les graphèmes exprimant directement ses valeurs
actuelles. C’est le plus sûr moyen d’éviter la francisation de la prononciation par des lecteurs
peu familiarisés avec la parole vivante et authentique.
Mais ce n’est là qu’avancer sur une voie ouverte depuis longtemps par les maitres que furent
par exemple Camélat, Girard ou Alibert : en 1895, Camélat annonçait le tirage de Et piu-piu déra
me laguta (1895) en « 20 edzemplàris sus papè luzen, 180 edzemplàris sus papè tintat. »; quand Girard
titrait un article « L’etzemple dos Catalans » (Lo Gai Saber, n° 19, Set.-Oct. 1922, pp. 236-
239), c’est parce que tz lui parait mieux exprimer le /+/ de la prononciation que le x étymologique
conservé par le français; quand Alibert (suivant probablement les Catalans) nomme « icsa » la lettre
x (Gram. p. 8), faisant d’elle une des rares à ne pas figurer dans son propre nom, c’est parce que ixa
pourrait être lu ['i#œ] au lieu de ['iksœ]; en 1967, les occitanistes de Per noste eux-mêmes titraient
« UN EDSEMPLE DE TEXTE DE DROLLA » (cf. Annexe XVI, p. 419), avec un ds curieusement opposé
au tz de Girard pour un même /dz/, mais peu importe…; enfin, en 1995, les Fiches de grammaire…
plusieurs fois citées, écrivent « icsa », comme Alibert (p. 21).
Le résultat est résumé dans le tableau suivant :
Devant
consonne
Devant
voyelle
Cas général Préfixe “ex”
s : escusar,
espausar,
tèste,
estraordinari
cs / cc : ficsar,
tacsar,
circonflècse,
aucsiliari
c devant [s] :
eccès, eccitar
ecsudar
dz : edzauçar,
edzemple,
edzilar