Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 284 Écriture du gascon<br />
n’y en a aucune dans les deux-tiers restants. C’est là un exemple de la solidité des consonnes finales<br />
qui caractérise le gascon dans l’ensemble d’oc (Bec, 1973, p. 18).<br />
Mais l’existence de ce [ks] n’empêche pas un traitement particulier du x, et spécialement dans<br />
le préfixe latin ex devant voyelle. Certes, M. Grosclaude (1977) n’en dit rien dans les règles générales<br />
de prononciation (pp. 19-20), et le Mémento grammatical (cf. p. 167) est on ne peut plus succinct<br />
« X [kz] devant voyelle ou [s] devant consonne. » (p. 24), avec pour seuls exemples exemplari<br />
et extraordinari, tous deux relevant du cas particulier de ex -. Voyons donc ce qu’il en est :<br />
Devant consonne, la norme est [s], comme l’a bien vu le Mémento avec extraordinari, à<br />
l’exception cependant du traitement du préfixe ex devant /s/. En fait, on ne rencontre x que devant<br />
occlusive sourde (c valant [k], qu, p et t) : excusar, expausar, exterior; c’est donc [s], contre [ks]<br />
en français soutenu. Cela n’est pas nouveau, puisque les Fors anciens de Béarn usent fréquemment<br />
de l’expression test de for generau; {texte de for général} et titrent l’art. 37 du For général : Rubrica<br />
e test suus camiis {Rubrique et texte sur les chemins}. Mais les Fiches de grammaire… donnent<br />
les deux prononciations pour ex-, « [es / eks] 2 » avec le renvoi (2) : « Prononciation savante » (p.<br />
39). Comme on peut supposer que « savant » est plus valorisant, le gascon “relevé” devient une succursale<br />
graphique et phonétique du français; vaut-il alors la peine de l’apprendre ? Pourtant, Lespy<br />
notait avec pertinence (Grammaire) :<br />
« 167. — On dit aussi (influence de l’écriture et de la prononciation fr. de ex : — A<br />
maa dextre, à main droite, expert, expert, expleyt, exploit, expausa, exposer, explica, expliquer;<br />
mais on entend plus souvent et l’on écrit comme on prononce: destrau, cognée, espert,<br />
espleyt, espausa, esplica; et, pareillement : — escouminye, excommunication, escusa,<br />
excuser, espudi, détester, estene, étendre, estrege-s, se retirer, etc., etc. »<br />
Il est vrai que, selon Niedermann (1931, 1940, n° 101), cette évolution de la prononciation<br />
remonterait au latin dit vulgaire, et quand Lespy voit dans la prononciation en [ks] une influence<br />
française, il méconnait la prononciation « négligée » du français qui, elle aussi, élimine le [k],<br />
comme le remarquait encore Niedermann :<br />
« Remarque.—Il est curieux de retrouver la même réduction du groupe k + s + occlusive<br />
sourde à s + occlusive sourde dans la prononciation négligée du français actuel, où excuse,<br />
expliquer, exprès, extraordinaire sonnent souvent escuse, espliquer, esprès, estraordinaire.<br />
»<br />
En tout cas, par sa graphie en es- dans ces cas-là, Mistral montrait que tous les parlers d’oc<br />
ont prolongé l’évolution du latin parlé en rejetant tout [ks] devant occlusive sourde : escavacioun,<br />
escoumpta, escusa, espedi, espleita, espourta, estermina, tèste, pretèsta, etc.<br />
L’exception, c’est le préfixe ex devant ce ou ci et devant s : [eks], sauf peut-être [e1] sur les<br />
marges voisines du languedocien, voire à Bayonne; les graphies de Palay ne laissent aucun doute<br />
sur [eks] : excedà {excéder} (excedàn, excedén), excelà {exceller} (excelàn, excelance), excepcioû<br />
{exception} (excepciounàu, exceptà), excès (excessìu), et a fortiori excità {exciter} (excitàbl", excitacioû)<br />
en raison de la graphie phonétique sureccità sur la quelle je reviendrai (p. 331); de même les<br />
quatre entrées en exc- du Lespy. Quant aux Fiches de grammaire…, elles donnent les deux prononciations,<br />
sans les localiser, avec les exemples excès, excellent et exsudar.<br />
Devant voyelle ou final, la norme est [ks], avec l’exception du traitement du préfixe ex. En<br />
témoignent les nombreuses graphies anciennes rappelées plus haut : Acx, tacxan, vecxat ou becxat,<br />
relacxar, becxations… On ne peut évidemment y voir une influence du français, mais seulement de la<br />
prononciation “normale” du latin, car il s’agit surtout de mots “savants”, mais de même phonologie