Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 207 Écriture du gascon<br />
La réalité, c’est que nous avons affaire à une graphie élitiste conçue par et pour des gens ayant<br />
réussi un long cursus universitaire, comme nous le verrons plus loin, p. 214. Les conséquences s’en<br />
font sentir dans tous les domaines d’emploi de cette graphie : presse, édition, enseignes commerciales,<br />
panneaux de signalisation routière.<br />
Des articles de presse dont la graphie rebute les non initiés<br />
Comme pour la graphie moderne, il est des chroniqueurs qui publient régulièrement des billets<br />
dans la presse régionale, tous plus ou moins professeurs d’“occitan” en plus de leur qualification<br />
première. Ainsi Jean-Jacques Fénié, agrégé de géographie, dans Sud-Ouest; Michel Pujol, ancien<br />
professeur de français, dans la Nouvelle République des Pyrénées de Tarbes; Jean-Paul Latrubesse,<br />
professeur de sciences naturelles, puis d’occitan, dans La République de Pau… Mais qui les<br />
lit ? Probablement quelques jeunes qui ont gardé quelque chose de l’“occitan” de leur scolarité;<br />
mais j’ai souvent des échos des réactions des locuteurs naturels : ils ont essayé de lire, mais ont été<br />
rebutés au bout de quelques lignes et n’y sont plus revenus; et cela, même en Val d’Aran !<br />
D’autre part, tandis que le “troisième âge” privilégie la graphie moderne, les associations des<br />
générations plus jeunes, souvent créées et presque toujours encadrées par des militants occitanistes,<br />
portent des noms gascons écrits en graphie classique. Mais la fréquence d’apparition de ces noms<br />
dans la presse est bien plus réduite que celle des noms en graphie moderne et la correction de la<br />
graphie affichée laisse plus d’une fois à désirer. Par exemple, dans L’Éclair du 12 septembre 2002,<br />
on peut lire cinq fois un fautif Villatges amassas, dont une fois dans un gros titre, et une seule Vilatges<br />
amassas. Et pour être bien lus, les occitanistes doivent transcrire leur graphie (cf. p. 387).<br />
Une édition limitée par l’étroitesse du lectorat<br />
Déjà, pour la littérature, une étude approfondie de l’édition dans les graphies classique et moderne<br />
et des ventes consécutives pourrait réserver des surprises. En 1974 — c’est déjà bien loin ! —<br />
G. Kremnitz avait dressé une statistique des publications en oc de 1919 à 1971; une seule année,<br />
1968, avait compté plus de 50 % de livres en graphie alibertine ou apparentée, mais on ne sait si<br />
c’est en nombre d’ouvrages ou de pages (cité d’après Kristol & Wüest, 1985, p. 61). En 1979, parlant<br />
des éditions gasconnes de Per noste, donc en graphie classique, R. Lapassade écrivait : « Le<br />
nombre de nos lecteurs est très maigre. Pour vendre 2000 livres de prose, il nous faut deux ou trois<br />
ans. Pour la poésie, pire ! » (Per noste n° 73, 7-8/1979, p. 17).<br />
Plus près de nous, nous avons vu, pp. 63-64, que cela ne semblait pas s’être amélioré; citons :<br />
– le point de vue d’un romancier “occitan” de langue française, Henri Gougaud : « si j’écris<br />
en occitan, seuls les occitanistes [me liront ] — et encore les militants !, car lire l’occitan est difficile,<br />
eh !… » (Parladissa amb Enric Gougaud, déjà citée p. 63);<br />
– les propos de Joan-Pau Ferré, dans la “tribune libre” d’Occitans ! 2002 : un roman en gascon<br />
récompensé par un prix n’a été vendu qu’à 800 exemplaires…; et s’il pouvait citer avec envie la<br />
quatrième édition de Catinou e Jacouti de Charles Mouly, c’était comme un hommage implicite à la<br />
graphie de type moderne de ce recueil d’histoires brèves en languedocien de Toulouse.<br />
Et un commerce peu enclin à afficher en graphie classique<br />
Quant au commerce s’affichant en graphie classique, il est d’une extrême rareté. L’Éclair des<br />
1 er et 2 décembre 1990 a publié une page entière de publicité du Leclerc d’Orthez pour une