Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 141 Écriture du gascon<br />
ne cherche pas à unifier la langue : « En landais, on a u : huc, ulh, nuit. »<br />
En revanche plusieurs des nouveaux choix sont gros de difficultés de lecture :<br />
– rien n’est dit de la réalisation vélaire du -n ni d’un critère possible entre ce -n vélaire<br />
(paisan, vin…) et le -n dental (engan, un drin, quin…);<br />
– on ne dit pas non plus comment distinguer les -r ou autres qui sont amuïs de ceux que l’on<br />
prononce (la tor, esquèr…); les o valant [u] de ceux valant [o], les e valant [e] de ceux valant [!].<br />
14 – Les Recommandations du Pr. Henri Gavel (1942)<br />
L’Anthologie d’I. Girard ne devait pas être la seule réaction méridionale à l’ouverture de<br />
l’école publique aux langues « dialectales »; à la fin de la même année 1942, le professeur Henri<br />
Gavel (1880-1959), qui fut le maitre de Jean Séguy et Xavier Ravier (Cf. Ravier et Séguy, 1976, 1),<br />
allait publier une étonnante plaquette de 36 pages, les Recommandations concernant la Graphie à<br />
utiliser pour l’Enseignement facultatif de la Langue d’oc. Étonnante, oui, car H. Gavel la signe sans<br />
aucune référence à une quelconque fonction — son titre de professeur d’université n’est même pas<br />
mentionné — ou institution dont il serait le porte-parole — il était pourtant président d’honneur de<br />
la Société d’études occitanes dont nous venons de voir les Règles orthographiques; et plus encore,<br />
parce que le frontispice de la couverture en fait une publication quasi officielle de l’« État Français<br />
- Préfecture de la Région de Toulouse - Bureau du Régionalisme ».<br />
J’aurai l’occasion d’y revenir au Chapitre III, p. 227; mais ici, j’en retiens l’esprit général :<br />
Pour la mise en accord de l’écrit avec l’évolution du parler, « on ne peut formuler de règle<br />
générale; il n’y a que des cas d’espèce, car chaque langue se présente au moment envisagé dans des<br />
conditions qui lui sont propres. » (p. 2). Pour ce qui est de la langue d’oc, on ne peut ignorer le<br />
« hiatus de fait où, sans jamais cesser complètement de servir d’instrument à des œuvres littéraires,<br />
elle n’a été que peu écrite, de sorte que les traditions orthographiques se sont généralement<br />
perdues. » (p. 4). Alors que dans le même temps, « (bien que quelques-uns semblent croire le<br />
contraire), la prononciation de la langue d’oc a notablement changé ». On ne saurait non plus<br />
oublier que « la différenciation dialectale existait dès avant le XII e siècle. » (p. 6).<br />
Et s’agissant d’enseignement, l’auteur pèse les avantages pédagogiques respectifs des systèmes<br />
en présence : « le lecteur à qui la graphie archaïsante est devenue familière arrive rapidement à<br />
lire sans trop de difficulté les textes anciens. » (p. 10); mais la graphie “moderne”, « pas trop<br />
différente de [celle du français appliquée à] la prononciation actuelle », et plus facile à apprendre :<br />
« si, comme tout le monde le souhaite, la langue d’oc pénètre largement dans l’enseignement<br />
primaire, il ne faut pas que son orthographe soit trop difficile pour les jeunes lecteurs. » (ib.)<br />
En pratique, après avoir étudié neuf points sur lesquels les deux types de graphies divergent le<br />
plus, H. Gavel en arrive, pour le gascon, aux prudentes conclusions suivantes :<br />
Pour la notation de /u/, l’auteur est séduit par l’élégance du o opposé à ò pour /o/ ou /%/. Mais<br />
ò, fait-il remarquer, suppose une syllabe tonique, et qui convient donc mal pour le /o/ en syllabe<br />
atone du gascon de Bayonne. En tout cas, il ne pense pas possible d’imposer un changement aux<br />
Provençaux qui notent ou et, finalement, envisage un « moyen terme […] dans lequel l’élément<br />
essentiel de la graphie reste o, tandis que l’u est réduit au rôle d’accessoire. » (p. 30). En tout cas, il<br />
use lui-même très généralement de ou dans les mots qu’il donne librement en exemples : cansou(n),<br />
zou !, oundze [sic], doudze (2 occ.), catourze (3 occ.), cassadou, cou “il court”.