13.07.2013 Views

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Jean <strong>Lafitte</strong> 275 Écriture du gascon<br />

aujourd’hui muet partout; mais il réapparait en dérivation. Or si « colhon […] fig. sot, imbécile »<br />

justifie son -n qu’on ne prononce pas par le dérivé « colhonada, badinerie, plaisanterie, sottise, bévue;<br />

maladresse. » (Alibert, Dic.), on voit pas pourquoi le même Alibert écrit « ase, m. Ane […]<br />

asenada, ânerie, bévue. » : le -n- de ‘asinu’ est oublié, pour revenir dans le dérivé. J’estime donc<br />

que la cohérence du système classique (cf. p. 241) exige les graphies àsen {âne}, òmen {homme}<br />

(dim. omenet {petit homme}; dér. omenadye {hommage}); mais suivant l’adage de droit summum<br />

jus, summa injuria {pousser le droit jusqu’aux extrêmes conduit à l’injustice}, on ne notera pas ce -<br />

n en l’absence de dérivés où il réapparait : ‘imagine’ > imadye, car les dérivés gascons sont sans -n-<br />

(imadyat {imagé}), un mot comme imayinar {imaginer} venant directement du latin ‘imaginare’.<br />

Le -n(s) final<br />

Contrairement à ce qui s’est passé pour le -n- intervocalique latin devenu notre “n caduc”,<br />

lorsque l’étymon est en -nd- (unde, quando, retondus) ou en -nn- (annus, Johannem), le -n final<br />

s’entend [n] dans tout le domaine gascon (sauf “contaminations” analogiques). Pour prendre un<br />

exemple sur lequel Coromines (1990) s’est fort bien expliqué, pan se dit [pa] ou [p:"] selon les<br />

lieux s’il s’agit du « pain », et [pan] en tous lieux s’il s’agit d’un « pan » de mur (cf. ma note v° PAA<br />

in Lespy, 1887, selon ma réédition).<br />

Le problème est d’ailleurs le même en occitan standard (même s’il ignore les réalisations en<br />

["]). Rendant compte du Dic. de J. Taupiac de 1977, R. Teulat (1979, p. 63) estimait qu’« il aurait<br />

fallu noter à chaque fois le -N prononcé. Par ex. ban(n) contre pan, sans aucune notation. » Donc le<br />

noter de façon extra-orthographique, ce qui aurait obligé le lecteur à se reporter au dictionnaire pour<br />

savoir si le -n s’entend ou non, et qui plus est à un dictionnaire dans l’ordre du français. Une autre<br />

solution est celle de J. Taupiac (2001, p. 103) qui dresse des listes (non exhaustives) de mots relevant<br />

de l’une ou l’autre prononciation. On voit d’emblée le côté pratique !<br />

Il y a bien la solution catalane : tandis que l’occitan termine de la même façon gascon {gascon}<br />

[gas'ku] et segon {segond} [se'gun], le catalan oppose gascó à segon. On en trouve une application<br />

chez Alibert, dont le Dic. donne le substantif « pataló, m. Lourdaud. » à côté de l’adjectif<br />

« patalon, adj., lourdaud. » (v° pata) et plusieurs dérivés en -on- de « rocó, onomatopée du cri du<br />

pigeon » : roconar, roconada, roconament, roconaira et même la variante « rocon, Reseda luteola,<br />

Donezan. » Incohérence du Maitre, erreurs… probablement. Mais comme tout lapsus, elles témoignent<br />

d’un problème véritable que ses disciples occitans ne savent résoudre que par des listes<br />

d’exceptions à apprendre par cœur.<br />

On a vu, p. 210, que J. Boisgontier avait jugé inutile de distinguer à l’écrit les deux -n du gascon,<br />

car le <strong>Gascon</strong> qui connait sa langue n’en a pas besoin et l’étranger s’y reconnaitra par l’étymologie<br />

latine. Mais que fera le <strong>Gascon</strong> d’aujourd’hui qui veut réapprendre une langue qu’il n’entend<br />

plus et le non-<strong>Gascon</strong> qui n’a pas appris le latin, ou qui rencontre un mot d’étymologie inconnue ?<br />

Je n’en voudrai que l’exemple de Le gascon de poche : comme signalé p. 216, le mot “vulgaire”<br />

écrit con, que tout autochtone sait dire [kun] est donné pour [koû] (p. 65) (A.P.I. [k,]), alors qu’on<br />

sait bien que ce mot ne saurait rimer avec gascon, correctement prononcé [gaskoû] (p. 5).<br />

Pourtant, il y a un siècle, l’abbé Césaire Daugé avait déjà proposé -n pour -/n/ et -ñ pour -/"/<br />

(ou Ø là où il est muet)… Et l’abbé Dambielle, maitre aimé du jeune Ismaël Girard, les notait respectivement<br />

par -n et -$. Car la solution catalane qui supprime tout -n ne peut aller pour le gascon<br />

dont on vient de voir qu’une bonne partie du domaine prononce ["] en finale.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!