Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 317
Écriture du gascon
a nasalisé : ALG I, 113, “noisette; noisetier”, aurâè; II, 305, “grenier”, grâè. — Dictionnaire :
*aberaê (è), *graê (è);
e nasalisé : ALG I, 149, “résine”, arrousêe; II, 341, “faner”, hêya; III, 602, “échine”, rêe; 668,
“chaux”, causêe; 1086, “pleine”, plêe; IV, 1345, “remplir”, plêa. — Dictionnaire : arrousêe, bêe,
causêe, *empleâ, *estreâ, lendêe, *pleâ, rousêe;
i nasalisé : ALG I, 149, “résine”, arrousîe; III, 602, “échine”, esquîe; 668, “chaux”, caucîe;
974, “farine”, harîe; 993, “voisine”, besîe; IV, 1345, “remplir”, plîa; 1584, “mener”, mîa. — Dictionnaire
: *acounziâ-s-en, *arremouliâ, arrousîe, bacîe, *bequiâ, besîe, causîe, cousîe, empliâ,
esquîe, *gariât, garîe, harîe, *hiâ, *miâ, parguîe, *pliâ, rousîe, *saliê (è);
ou nasalisé : ALG I, 6 “taupinière”, bouhoûère; 113, “noisette; noisetier”, augroûa; auroûè,
aberoûè, aberoûère; IV, 1226 “émoussé”, esmouxoûat. — Dictionnaire : *aberoê (è), *aberoêre
(dén) (è), *ahitoâ, *arristoâ, *ayulhoâ-s, *boutoâ, *broutoâ, *cammaysoê (è), *carboâ, *carboâde,
*cussoât,-âde, *desapicoâ, *desgroâ, *despicoâ, *deyoâ, *esdeyoâ, *esgroâ, *garrapoâ,* picoâ,
*soâ, *tapoâ, toûe (la);
u nasalisé : ALG III, 1010 “lune”, lûe. — Dictionnaire : *deyuâ, *esdeyuâ, eslûère,* pruê (è).
Mais l’ALG n’a relevé aucune trace de nasalisation dans les cartes VI, 2491 à 2493 “une”; ni
a fortiori dans la carte III, 768 “panier”, la forme paè étant inconnue dans la zone qui nasalise.
On peut remarquer que le report de l’accent circonflexe sur le a tonique final n’est pas limité a
la « séquence oa », puisqu’on le trouve avec e (estreâ), i (acounziâ-s-en), et u (deyuâ). Et eslûère
est un heureux hapax qui transgresse le lien entre accent circonflexe et syllabe tonique et permet
une lecture parfaite [esl.'!r$/o]. Mais ce mot supposerait lûe et *pruê, prûe.
Finalement, cela nous pose trois questions :
– peut-on ignorer un traitement phonétique tout à fait normal en gascon et conservé dans une
zone réduite, mais non négligeable ? Je ne le pense pas, d’autant que l’aire du phénomène est aussi
celle où s’est développé le béarnais “classique” qu’adoptèrent la plupart des Félibres de l’Escole
Gastou Febus tout comme M. Grosclaude dans sa méthode Lo gascon lèu e plan (1977). Mais il
convient de ne pas en limiter la reconnaissance à la seule voyelle i.
– si l’on accepte de le noter, comment le faire ? L’accent aigu ne peut convenir, car il marque
une syllabe tonique, ce qui n’est pas le cas pour un nombre important de mots. L’accent circonflexe
peut convenir, à condition de ne jamais en faire une marque de tonicité, ce qui est parfaitement réalisable
en graphie classique comme en graphie moderne. À cet égard, il convient de rappeler que ce
fut le choix de Salette, dont témoigne cette liste tirée de Darrigrand (1983, p. 275), les “fractions”
indiquant le n° du Psaume et celui du verset : « amirôaá, 18/1; carbôéra, 21/9; dejûaá, 35/6; emberêadas,
64/3; emplêaá, 69/10; plêa, 73/11; arrêa, 69/10; lûa, 72/3; arêa, 78/14; grâolhas, 78/23;
sôaá, 92/2; matîada, 92/1 ». Et c’est aussi le choix occasionnel de P. Bec (1968, I, p. 40) qui écrit
lûa comme aboutissement final de l’évolution phonétique supposée à partir de ‘luna’ latin.
– faut-il pour autant en faire la graphie “normale” de ces mots ? Non, si l’on considère qu’il
s’agit d’un phénomène d’aire réduite dans le domaine; c’est une variante, pour la zone qui nasalise,
comme le -u- intervocalique en est une pour celle qui le prononce [w]. Mais peut-être bien que oui,
si l’on considère que de noter la perte du -n- peut être un clin d’œil de reconnaissance pour les Gascons
dégasconisés aussi bien que pour les non-Gascons.
L’exemple de Salette, celui fugace de P. Bec, et l’heureuse initiative de MM. Moreux et