Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 7 Prologue
déterminante pour le choix des solutions aux problèmes que le lexicographe ne manquera pas de
rencontrer, tant pour ce qui est de la langue elle-même que de son écriture.
DE DiGaM À UNE THÈSE DE DOCTORAT ?
Le volume de ces études et surtout l’accueil qu’elles ont rencontré de la part de lecteurs
“éclairés” m’ont laissé penser que, jointes à mon expérience de quatorze années d’enseignement,
elles pourraient fournir la matière d’une thèse de doctorat “sur travaux”. Et comme les études sur la
graphie étaient celles qui me paraissaient constituer un corps cohérent, abouti et, à lui seul, d’un volume
suffisant, j’ai pensé pouvoir en faire l’objet central de cette thèse et le proposer ainsi à discussion
et validation scientifiques.
Cette thèse, j’avais d’abord envisagé de l’intituler « Écrire le gascon aujourd’hui ». Mais
quand mon directeur de thèse Philippe Blanchet, Professeur des universités en sociolinguistique et
didactique des langues, m’a suggéré le titre « Situation sociolinguistique et écriture du gascon aujourd'hui
», je l’ai accepté d’emblée; j’ai en effet pris conscience de ce que ma recherche partait
d’un constat sociolinguistique, parce que l’écriture d’une langue vivante ne peut être envisagée hors
de son contexte sociolinguistique.
Cependant, cela devait renforcer mon attention à tout ce qui est sociolinguistique dans mon
approche des problèmes du gascon contemporain et m’a conduit à un changement complet dans
mon appréciation des systèmes graphiques en présence.
DiGaM ET LA GRAPHIE CLASSIQUE
Je connaissais déjà assez bien la graphie moderne 1 de l’Escole Gastoû Febus, apparentée à
celle du Félibrige et qui était celle des Reclams de Biarn e Gascougne lors de mon premier abonnement
en 1981. Mais je lui avais très vite préféré la graphie classique, préconisée par le mouvement
occitaniste et désignée souvent comme « graphie occitane » : elle me paraissait alors plus logique
et donc plus propre à l’enseignement rationnel de personnes qui ne parlent guère la langue.
C’est donc elle que j’ai adoptée sans hésiter pour mon projet DiGaM, d’autant qu’elle s’avérait la
seule en usage chez les enseignants en place.
Pour l’appliquer correctement, j’ai donc voulu m’appuyer sur les textes officiels de l’I.E.O.
publiés en 1950 pour l’occitan et en 1952 pour le gascon; paradoxalement, je dus m’adresser au
Centre international de documentation occitane de Béziers pour en obtenir des copies, car ils n’ont
jamais été réédités ! Inutile de dire qu’ils sont parfaitement méconnus de la très grande majorité de
ceux qui pratiquent et même enseignent la graphie “occitane”, transmise de bouche à oreille, ou au
mieux par des ouvrages de seconde main ou plus… Roger Teulat, professeur d’occitan à la faculté
de lettres de Clermont-Ferrand, n’écrivait-il pas en octobre 1982 qu’il venait de découvrir le document
I.E.O. de 1950 ? (voir plus loin, p. 143). L’étude de ces textes me fit vite découvrir que, loin
du discours ambiant qui vante leur rationalité, les règles qu’ils énonçaient pour notre langue comportaient
des faiblesses dont ne pouvait s’accommoder l’enseignement d’une langue que maitres et
élèves n’entendent plus guère dans la rue.
Problème après problème, j’ai donc recherché des solutions cohérentes qui permettraient
l’écriture correcte d’une langue gasconne mieux connue que du temps où ces règles classiques furent
1 Pour le sens que je donne à “classique” et à “moderne”, voir p. 98.