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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 17 La langue gasconne<br />

nuancer, mais j’en conclus ceci : pour Séguy, arrivé au bout de l’ALG, le gascon n’est pas plus<br />

« occitan » que gallo-roman quand on l’oppose à ces ensembles, ou est autant « occitan » que galloroman<br />

quand on l’oppose à l’ensemble ibéro-roman.<br />

Et quand on considère les cartes de ce volume VI, qui sont des cartes de synthèse, on est frappé<br />

de constater que la grande majorité comporte une isoglosse schématique (droite oblique) sur le<br />

cours de la Garonne, séparant systématiquement le gascon de l’occitan languedocien; ce n’est qu’au<br />

sud-est que les traits gascons se poursuivent souvent en languedocien pyrénéen, ce que P. Bec<br />

constatait en définissant un « complexus aquitano-pyrénéen » (1963, pp. 38 et 54). Si l’on ajoute à<br />

cela les cartes 2525 et 2526 qui tentent de définir les « Frontières dialectales du gascon », donc les<br />

aires de ses “dialectes”, on est bien en présence d’une langue divisée en dialectes, comme P. Bec<br />

l’écrivait au même moment (1973, p. 171). Mais sept ans plus tôt, c’est bien J. Séguy lui-même qui<br />

par deux fois avait nommé explicitement « la langue gasconne » (1966, pp. 4 et 13) et assuré la<br />

qualité des enquêtes par le fait que « tous les enquêteurs [étaient] gascons » (ib, p. 5). La clé, c’est<br />

que pour Séguy l’« occitan » n’était probablement pas une langue, mais un ensemble linguistique,<br />

ce qui lui permettait d’écrire aussi « mots occitans (gascon compris) » (ib., p. 15).<br />

Le même décalage entre ce qui semble la pensée profonde du savant et un discours souvent<br />

convenu apparait chez Jacques Allières; par exemple, les mots gascons du volume V sont des<br />

« formes occitanes » (ALG V, Fasc. 2, p. V) et la Gascogne est à l’extrême ouest de l’« Occitanie »<br />

… mais « c’est en opposition à la Romania toute entière que le gascon occidental manifeste son originalité<br />

» (ib. pp. 30 et 32). Et plus encore, il concluait en 1988 une communication faite à Valence<br />

d’Espagne — loin des pressions toulousaines ? — en donnant à la « langue gasconne » une place<br />

comparable à celle du catalan parmi les langues romanes (citation complète en Annexe II).<br />

Et de Xavier Ravier, je ne citerai qu’un de ses derniers articles (2002) : il définit le « gascon<br />

médiéval » comme « la forme qu’avait prise l’occitan gascon à l’époque de rédaction des actes » (p.<br />

400), pour dire un peu plus loin que dans les actes engageant l’autorité comtale, « la lingua mixta et<br />

la langue gasconne sont l’une et l’autre sollicitées » (p. 408).<br />

De semblables hésitations se retrouvent chez André Hourcade, inspecteur départemental de<br />

l’éducation nationale et auteur d’une remarquable Grammaire béarnaise (1986). Dans une<br />

interview donnée à Per Noste-Païs gascons (n° 93, 11-12/1982, p. 13), il admet d’abord que « Le<br />

béarnais est une variété du gascon, lui-même variété de la langue occitane »; mais un peu plus loin,<br />

sur son rôle de formateur des instituteurs : « L’an dernier, il n’y eut rien pour la formation à la<br />

langue béarnaise », ce qu’il renforce quelques lignes plus bas : « le béarnais est une langue<br />

véritable, avec une syntaxe, des structures tout à fait particulières. » Il y reviendra sans ambages<br />

dans la Grammaire : son but est de donner « une description aussi détaillée que possible de la<br />

langue béarnaise » (p. 19); « La langue béarnaise est, ici, objet d’étude, mais pour l’étudier, on se<br />

sert de la langue française » (p. 22).<br />

On verra bientôt, p. 20, comment J.-P. Chambon et Y. Greub (2002) réfutent et même<br />

ridiculisent quelque peu ces hésitations sur l’autonomie du gascon, hésitations que J.-P. Chambon<br />

(2003) met avec vraisemblance sur le compte le la « coalescence » entre militantisme et<br />

linguistique (cf. p. 24). Nous en avons confirmation dans les vues des linguistes indépendants, nonmilitants.

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