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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 320<br />

Écriture du gascon<br />

familhe; donc enhourna risque fort d’être lu “egnourna”. Certes, en graphie classique, L’application…<br />

a prévu que le gascon, seul à posséder des h que l’on prononce, insèrerait un point entre n et<br />

h : en.hornar. Mais ce n’est que du replâtrage dans un système conçu sans penser au gascon, et ce<br />

« point intérieur » perturbe tous les tris alphabétiques des programmes informatiques courants.<br />

C’est donc en tenant compte de ce problème que dès 1900, conseillés par le grand romaniste<br />

Édouard Bourciez, les Félibres de l’Escole Gastou Febus ont préféré gn : aragne {araignée}, besougn<br />

{besoin}… De même, le Pr. Henri Gavel (cf. p. 142) reconnaissait que « la question de la<br />

transcription de l’n mouillée est une de celles où la sagesse commande de ne pas chercher une unité<br />

absolue. » (1942, p. 15) et concluait au maintien de gn en gascon (ib. p. 31).<br />

Était-ce là du “succursalisme” français ? Pas du tout, car s’il est un son qui a connu dans<br />

toutes les langues romanes une grande variété de notations, c’est bien celui-ci : ñ en castillan, ny en<br />

catalan, nh en portugais et en occitan, gn en français et en italien… Cela tient au fait qu’ont convergé<br />

sur ce son diverses combinaisons latines : gn dans agnus, ni dans senior, ne + voyelle dans<br />

vinea et que toutes ces combinaisons ont servi dans les langues romanes, jusqu’à ce que l’une<br />

l’emporte, et pas partout la même !<br />

Ainsi, en béarnais, nous avons le témoignage de la Charte de Herrère, un des six textes les<br />

plus anciens dont nous ayons l’original (Cheronnet, 1978); dans ce texte daté du 21 novembre 1278,<br />

on peut lire segnor (33 occurrences), seignor, segner (3 occ.), compagna (2 occ.), compagnie,<br />

pegneras, pegneres, pegnerar, bigne et segnau.<br />

Voici encore quelques témoignages bigourdans pris dans des extraits du Cartulaire de<br />

Bigorre présentés, dans la revue Pyrénées (n° 212 du 4 ème trimestre 2002, pp. 409 et 406) par X.<br />

Ravier, qui en prépare l’édition critique : dans la pièce LVII, datée vers 1114, lignage et segnor (4<br />

occ.); dans celle qui dans l’édition portera le n° LXXII, brève charte de 1256, Agnes, Segnor et<br />

Mosegner, mais aussi senhor, Domenhe et linhadge.<br />

M. Grosclaude en avait pris conscience, car trois ans après sa communication du Colloque<br />

Salette, il devait donner une vision tout à fait correcte de ces faits d’écriture. Dans son ouvrage de<br />

1986, p. 19, il s’appuie sur la Charte de Herrère (qu’il date il est vrai de 1290, au lieu de l’exact<br />

1278 noté p. 8), et conclut sans ambages :<br />

« Est-il bien nécessaire de préciser qu’il serait puéril d’attribuer la graphie gn de ['] à<br />

l’influence du français, au 13° s ? Il s’agit tout simplement de l’adoption toute naturelle de<br />

la graphie latine étymologique. »<br />

Aujourd’hui donc, pour les raisons retenues par H. Gavel, mais aussi parce que l’identité de<br />

graphème avec le français que chacun sait lire et écrire est un avantage décisif, je conclus pour le<br />

maintien de gn en graphie moderne.<br />

Se pose il est vrai le problème de la lecture de la quinzaine de mots que Palay note par -gn- en<br />

précisant qu’on doit les prononcer par g-n : clignà {incliner}, variante de clinà, endign" {indigne}<br />

(mais, curieusement, ni dign" ni ses dérivés directs), estagnà {stagner}, regnà {régner} (mais « on<br />

prononce aussi ren-nà »), sangnà {saigner} (« que l’on prononce [aussi] san-nà »); et sangnère<br />

{grande effusion de sang; tuerie}, variante de sannère; et enfin sìgn" et toute sa famille : signà<br />

{signer}, variante de sinnà, assignà {assigner}, counsignà {consigner} et counsigne, ensìgne<br />

{signe, marque} et enter-signà {échanger des signatures}.

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