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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 24 La langue gasconne<br />

article du même R. Lafont écrit en languedocien (alors que sa langue propre est le provençal) : « Le<br />

message adressé aux Provençaux par le plus grand écrivain provençal vivant est en occitan<br />

“futuriste”, c’est-à-dire en languedocien : une page se tourne ! » (n° 146, Juin 2001). Certes,<br />

dans le numéro suivant, on répondait aux protestations des lecteurs (surtout Provençaux) en disant<br />

que c’était une plaisanterie à lire au second degré. Mais cela allait tellement dans le sens des idées<br />

du “maitre” que l’on peut douter de la vérité de la qualification de « plaisanterie »…<br />

Le refus occitaniste<br />

Si donc des “provinces satellites” du domaine languedocien s’avisent qu’elles ne parlent pas<br />

“occitan” et ne veulent entendre parler ni d’“occitan standard” ni d’“Occitanie”, c’en est fait de<br />

tous ces beaux plans sur l’avenir. Aussi faudra-t-il contrer ces tendances centrifuges, et donc<br />

combattre toute opinion linguistique qui pourrait les soutenir. Pour le gascon en particulier, on aura<br />

définitivement oublié ce que le Pr. P. Bec exposait dans son rapport de 1972 comme une évidence<br />

(« on le sait ») et qu’une assemblée générale de l’I.E.O. approuvait sans broncher.<br />

Le linguiste occitaniste va ainsi se trouver dans la « situation de porosité ou de coalescence,<br />

voire d’identification déclarée entre le champ militant et le champ scientifique » (J.-P. Chambon,<br />

2003, p. 5), situation qui fait obstacle en fait à la liberté du chercheur, notamment sur la place du<br />

gascon :<br />

« si, dans le cas du gascon […], tous les linguistes reconnaissent que celui[-ci]<br />

pourrait être considéré comme une langue indépendante, alors que très peu d’entre eux le<br />

comptent effectivement comme langue indépendante, c’est qu’en réalité la main invisible<br />

du renaissantisme a tranché le débat […]. » (ib.).<br />

J’illustrerai cet avis par quatre témoignages.<br />

Le premier est celui d’Henri Giordan, dans un article Occitan vs Langues d’oc, Culture<br />

subalterne et culture dominante paru dans les Annals de l’I.E.O. de 1977. Le monde occitaniste<br />

était alors en émoi parce que la Circulaire “Haby” du 29 mars 1976 avait usé de l’expression<br />

langues d’oc au lieu de langue occitane (voir pp. 29 et 32); mais faute d’arguments linguistiques<br />

décisifs et encore moins de l’adhésion des intéressés eux-mêmes — à l’époque, essentiellement des<br />

Provençaux de la mouvance félibréenne — H. Giordan plaçait résolument (et honnêtement) le<br />

problème sur le terrain de la lutte des classes :<br />

« Surtout en Provence, les organisations félibréennes constituent des regroupement<br />

d’intellectuels qui sont spécifiques à la culture occitane : ces groupes existent encore de<br />

nos jours car ils répondent à une fonction, justement subalterne, de l’hégémonie bourgeoise,<br />

celle d’orienter de l’intérieur une culture minoritaire vers les valeurs bourgeoises. […]<br />

« Les langues autres que le français […], l’occitan comme le breton, le corse, etc…,<br />

sont un élément de la culture d’une partie des classes subalternes de notre pays et la façon<br />

de les traiter peut mettre en évidence leur fonction narcotique ou, au contraire, ouvrir la<br />

voie à leur utilisation dans le travail en cours pour l’invention d’une nouvelle culture intégrant<br />

la culture des classes subalternes.<br />

« […] Ce n’est pas, en effet, parce que des linguistes ont défini des critères unissant<br />

les dialectes d’oc dans un ensemble unitaire, l’occitan, […] que la référence à d’éventuelles<br />

langues d’oc est nulle et non recevable. À ce compte-là, la revendication culturelle corse<br />

serait à renvoyer aux poubelles d’une histoire dirigée par les linguistes. Donner la préférence<br />

à une vision des choses qui privilégie les facteurs d’unité par rapport aux facteurs<br />

d’opposition est un choix imposé par la volonté de substituer un discours construisant une<br />

culture alternative en France à un discours dont le rôle est de maintenir en place la culture<br />

hégémonique de la bourgeoisie dans ce pays. »

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