Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 168 Écriture du gascon<br />
On doit sans doute à J. Salles-Loustau lui-même les graphies vse ou vs du pronom complément<br />
de la 5 ème personne, graphies qu’il suggérait dans sa critique d’ouvrage de 1986 (ci-dessus, p.<br />
166); elles se réalisent respectivement en [pe] et « [p] généralement » (pp. 24 et 59); mais que que<br />
vs’esmav se dise « [képéz'map] » et caratz-vse, « [ka'rappé] » sans trace du -s- relève de l’acrobatie<br />
phonétique, le -s- étant l’une des consonnes les plus résistantes. Il ne semble pas que cela ait fait<br />
école, et tant mieux pour la facilité de lecture… J’y reviendrai avec mes propositions, p. 302.<br />
Mais vers la simplification, on lit cincanta, cincantau (p. 47); M. Grosclaude (1977, 42) et<br />
autres, cinquanta. La graphie ballèu est admise au côté de bèthlèu (p. 64). On lit magement p. 66,<br />
ce qui sape la graphie en -r de mager; au demeurant, ce comparatif présenté comme épicène a bel et<br />
bien un féminin analogique maja dans l’est gascon (ALG IV, 1572, réponse supplémentaire à<br />
Dému dans le Gers, fém. [·maJo]), qui achève de “déstabiliser” le -r…<br />
ac est la seule graphie retenue pour le pronom neutre (p. 59) alors que ses deux réalisations<br />
majoritaires sont pour moitié en [at] et autant en [ak] (ALG VI, 2257); pourtant, dans sa critique<br />
d’ouvrage de 1986, J. Salles-Loustau s’était nettement opposé à cette “normalisation” (voir plus<br />
haut, p. 165); on peut regretter qu’il ait changé d’idées, d’autant que cela ne rapproche même pas le<br />
gascon de l’occitan qui ignore ce pronom (Alibert, 1935, 1966, 66).<br />
Le domaine de la prononciation en [w] du -v- intervocalique est mal cerné, tant géographiquement<br />
(voir plus bas) que linguistiquement (p. 24) : restent en [.] beaucoup d’autres mots que les<br />
composés dont alavetz est emblématique; mais le sujet est complexe et m’a couté deux mois de<br />
travail pour y voir à peu près clair (<strong>Lafitte</strong>, 2003-1), ce qui excuse grandement les auteurs.<br />
Ceux-ci mentionnent p. 25, sans la rejeter, l’idée déjà évoquée de certains linguistes de faire<br />
disparaitre de la graphie du gascon la notation particulière de /#/ par (i)sh; c’est pour le moins<br />
étrange, puisque cette idée a été écartée par extension de ce graphème gascon au languedocien<br />
méridional (cf. p. 163).<br />
Sur les futurs et conditionnels des verbes en -ar, on apprend que ces verbes « modifient<br />
parfois la prononciation de la finale de leur radical de [a] en [é]. Ex. Cantarèi : [kantarèy] ou<br />
[kantérèy]. » (p. 92); idée reprise au tableau du verbe cantar (p. 118) : « la prétonique A est parfois<br />
prononcée [é] […]. »; or « parfois » employé par deux fois est temporel, non spatial; ce qui suppose<br />
une altération accidentelle dans le cours de la parole d’un même locuteur qui dit ordinairement [a];<br />
on comprend dès lors que pour les auteurs, cela ne mérite pas d’être écrit… Or nous savons que<br />
cela touche de façon systématique les deux tiers du domaine (ALG V, 1725 déjà cité) et que cela<br />
n’est qu’un cas particulier du traitement gascon du a prétonique en [e], dont J. Salles-Loustau avait<br />
bien eu conscience dans sa critique d’ouvrage de 1986 (voir plus haut, p. 166). Mais déjà, il pensait<br />
que cela n’avait pas à être écrit.<br />
Il semblerait en outre que malgré leur intention de faire un manuel non localisé et ouvert sur<br />
un gascon commun (p. 9), les auteurs n’ont pas disposé de l’ALG et que, pour localiser les<br />
variantes, ils se sont parfois fiés à leurs souvenirs et à leur expérience de locuteurs et de professeurs<br />
d’“occitan”. Ainsi pour la prononciation [œ] du -a féminin posttonique, limitée à l’ouest du Béarn<br />
(p. 20), alors qu’elle couvre la moitié nord-ouest du domaine (ALG VI, 2161); pour celle de -n en<br />
["], localisée « en Gascogne orientale » (p. 23), alors qu’elle est celle de plus des deux tiers du<br />
domaine, de Bayonne à la Pointe de Grave et de celle-ci au Val d’Aran, ne laissant à l’amuïssement<br />
que le front Pyrénéen, sans la haute vallée de la Garonne : Béarn, la Bigorre, les Quatre-Vallées et