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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 206 Écriture du gascon<br />

publicitaires et à leurs études de marché ! »; on peut sans doute en dire autant de nos commerçants<br />

gascons et béarnais, car leur but est tout le contraire de ce que l’un des pères de la graphie classique,<br />

Perbosc, écrivait à son ami Estieu (lettres citées par H. Barthés, 1987, pp. 102 et 280) : « nous voulons<br />

écrire une vrai langue et peu nous importe de ne pas être compris » (9 aout 1894); et « J’ai eu<br />

tort de me laisser influencer par ton idée de faire lire nos œuvres plus facilement. Mais je renâcle, je<br />

me fous d’être lu ou non. » (23 novembre 1905).<br />

On trouvera en Annexe XIV tout un échantillonnage de ces écrits en graphie moderne.<br />

IV – La graphie classique dans le monde gascon<br />

Une graphie « adoptée par la grande majorité des Occitans » ?<br />

Présentant en 1983 sa réédition des Psalmes de David d’Arnaud de Salette (cf. p. 107) qu’il<br />

destinait au « grand public », R. Darrigrand justifiait ainsi leur transcription en graphie classique :<br />

« Pour cela nous avons modernisé l’orthographe, en suivant les principes de l’<strong>Institut</strong> d’Études Occitanes,<br />

désormais adoptés par la grande majorité des Occitans. » Connaissant l’honnêteté et la rigueur<br />

de cet auteur, je me garderai bien de voir dans ces lignes un bluff, une tromperie du public;<br />

mais avec un peu de rigueur mathématique et en raisonnant comme en matière d’élections, on peut<br />

chiffrer une « grande majorité » à quelque deux tiers (66,7 %); et si l’on lit bien « Occitans » et non<br />

« occitanistes », cela représente, selon les vues de ces derniers, toute la population des pays qui autrefois<br />

parlaient une langue d’oc, soit quelque 13 millions pour 100 % et donc de 8 à 9 millions<br />

pour une « grande majorité »…; mettons en face les quelque 786 000 locuteurs d’« occitan » selon<br />

l’enquête INSEE-INED de 1999 (ci-dessus, p. 60), soit moins d’un dixième, ou les 800 exemplaires<br />

vendus d’un roman en graphie classique récompensé par un prix (p. 207 ci-après), soit moins d’un<br />

pour dix mille : imagine-t-on un prix Goncourt limité à six mille exemplaires vendus ? On est donc<br />

bien loin du compte, et les citations qui suivent me paraissent bien mieux décrire la réalité :<br />

C’est d’abord un mot de la chanteuse Marilis Orionaa (Dominique Narioo, fille du militant<br />

Gilbert), dans sa contribution au numéro spécial de P.N.-P.G. en l’honneur de Roger Lapassade décédé<br />

le 12 octobre 1999 (n° 194-195, 9-12/1999, p. 16) :<br />

« Depuis deux ans je travaillais avec Roger Lapassade à une traduction française de<br />

ses poèmes pour faire connaitre son œuvre à ceux qui ne savent pas l’occitan. Ou à ceux<br />

qui voudraient la lire mais qui sont réfractaires à la graphie classique. »<br />

C’est bien un comble que les militants de la cause d’oc doivent recourir au français pour rendre<br />

lisible par les locuteurs d’oc une poésie d’oc que sa graphie leur a rendue étrangère.<br />

La seconde citation est un témoignage pris sur le vif, celui de Tederic Merger, “modérateur”<br />

du “Groupe de discussion” internet <strong>Gascon</strong>ha-doman, à propos de l’emploi du gascon dans les messages<br />

(décembre 2003) :<br />

« Il y en a beaucoup qui […] ne savent pas (encore ?) écrire le gascon, et il y en a<br />

aussi beaucoup qui ne savent pas le lire. Il serait contre-productif d’ignorer cette réalité. ».<br />

Ce constat fait sur une population d’“internautes”, c’est-à-dire majoritairement de “jeunes”, et<br />

qui plus est “branchés”, nous ramène sur la grande complexité d’un système qui impose notamment<br />

d’écrire des lettres que l’on ne prononce pas ou à qui l’on donne une valeur très différente de leur<br />

valeur naturelle, puis de les oublier à la lecture, ou d’en changer la prononciation naturelle. On<br />

connait le principe Shadock : « Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? »

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