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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 56 Sociolinguistique du gascon<br />

nouvelle graphie :<br />

« – Moi, elle m’estomaque ! Jamais je ne pourrai me la mettre dans la tête. »<br />

Michel Pujol, président de Nosauts de Bigòrra (I.E.O.-Hautes-Pyrénées) – (2003) :<br />

« Claude Marti [chanteur occitaniste célèbre des années 1970] lui-même est venu en<br />

Bigorre, à la demande d’une association que veut tisser des liens entre les générations, et<br />

l’a chargé de recueillir la mémoire de quartiers populaires de Tarbes et des environs. Ce<br />

projet a donné un joli petit livre « Paroles d’ici », avec des témoignages émouvants et<br />

intéressants, mais… en langue française, avec bien peu de courtes citations en gascon.<br />

L’auteur, qui a tant fait pour la langue, explique qu’ici, il n’a pas pu faire autrement… quel<br />

crève-cœur ! Le sujet se prêtait à l’emploi de la langue, l’auteur était un héros de la langue,<br />

mais les lecteurs éventuels n’auraient pas su lire, et aussi les personnes interrogées ne se<br />

souciaient pas de la langue ou l’avaient oubliée. Et le héros devait gagner sa vie…<br />

« Et aujourd’hui, nous devons réfléchir à deux fois avant de redire : “Parle occitan, tu<br />

gagneras ta vie !” »<br />

Dans les milieux félibréens ou occitanistes eux-mêmes, chez ceux qui paient les cotisations, il<br />

n’est pas sûr qu’on en compte un sur dix qui puisse tenir une conversation ordinaire en un dialecte<br />

quelconque :<br />

Gilbert Narioo (1988) :<br />

« La grande déception de nos amis catalans, c’est de voir tant d’occitanistes qui<br />

tergiversent : deux mots en occitan, dix en français, comme quelqu’un qui ne sait pas ce<br />

qu’il veut, comme pour se moquer de lui-même.<br />

« C’est chose rare comme le merle blanc une réunion occitaniste où l’on parle oc<br />

d’un bout à l’autre. On peut même trouver des gens qui militent pendant des années sans<br />

jamais dire un mot en notre langue… S’ils avaient toujours entendu parler occitan sans<br />

tergiverser par leurs amis qui savent, ils s’y seraient mis !<br />

« Nous connaissons tous des professeurs d’occitan enflammés mais qui font les cours<br />

en français, qui vous parlent toujours en français, qui n’ont jamais parlé occitan chez eux à<br />

leurs enfants : tergiverseurs ! […]<br />

« Nous ne pouvons pas attendre de l’État qu’il nous oblige à parler notre langue.<br />

Nous devons d’abord la parler nous-mêmes. […] »<br />

Et de là à parler en oc couramment chez soi, à transmettre la langue aux enfants, à voir ceuxci<br />

continuer à la parler une fois passés par les écoles et l’université… les obstacles sont immenses.<br />

À commencer par le fait que pour parler dans une langue, il faut être au moins deux qui la parlent et<br />

la comprennent… et surtout qui veuillent l’employer. Jadis, c’était facile, quand les couples se<br />

formaient entre voisins; ainsi les héros d’une nouvelle béarnaise : « Je suis fils de paysans, elle<br />

aussi… Nous croyons au même Dieu… Nous parlons la même langue… Tous deux nous sommes<br />

riverains du même gave… » (Yulien de Caseboune, Esprabes d’amou, 1926). Mais aujourd’hui…<br />

On pourra lire en Annexe VIII le témoignage d’un de mes amis très proches, Marc Cazalets, né en<br />

1929. Et dans le même sens, ci-après, d’autres, parallèles, pris en pays d’oc hors de Gascogne :<br />

Patric Choffrut-Faure (1996), qui fut Président de l’I.E.O. de 1980 à 1981 :<br />

« Mon garçon habite en Allemagne avec sa mère et parle couramment, outre le<br />

français et l’allemand, la langue anglaise, puisque c’est celle que nous parlons chez nous,<br />

ma femme étant citoyenne nord-américaine. [Le fils, Vincent, passionné d’alpinisme]<br />

s’était arrêté pour une nuit à l’auberge de Seguin, chez Pessemesse. Quand il vit le nom du<br />

jeune, Pierre Pessemesse alla directement vers lui pour lui parler, et naturellement Vincent<br />

n’y comprit pas un mot. De cette affaire, nous en sommes sortis mortifiés tout les trois,<br />

Pessemesse, de ce que le fils de Choffrut ne savait pas parler l’oc, Vincent, qui avait<br />

depuis longtemps refusé de répondre en oc quand je voulais lui parler, et moi, qui n’ai pas<br />

été capable de réussir le passage de notre langue. […]

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