Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 159 Écriture du gascon<br />
Bien qu’utilisant l’article gascon de la montagne, l’aranais en écrit le pluriel différemment de<br />
la norme générale du gascon; eths, eras, c’est es pour les deux genres, de telle sorte que le contracté<br />
est des comme en français : la bòrda des motons {la bergerie des moutons}, la bòrda des oelhes {la<br />
bergerie des brebis}.<br />
Le pluriel des noms féminins en -a (= majoritairement [a]) est en [es] noté -es, tout<br />
simplement; mais en signalant cette particularité du féminin pluriel — partagée d’ailleurs avec les<br />
parlers gascons de la montagne, de Gavarnie au Comminges (ALG VI, 2067) —, R. Darrigrand<br />
(1969-3, 6) estimait que « cela n’empêche pas de les graphier “as” : pòrta, pòrtas (pòrtes) »; cela ne<br />
fut pas l’avis des intéressés qui ont tenu à écrire pòrtes. Le passage à [e] du a posttonique se produit<br />
également dans les verbes, généralement quand il est suivi de consonne; la même fidélité<br />
phonétique le fait écrire e : à l’indicatif des verbes en -ar : que canti, cantes, cante, cantam, cantatz,<br />
canten; à l’imparfait : qu’auia, auies, auie, auíem, auíetz, auien, au subjonctif des verbes en -er et<br />
-ir : que hèja, hèges, hège, hègem, hègetz, hègen.<br />
Le produit masculin du suffixe latin ‘-olu’ aboutit à -[o] en aranais, comme du Lavedan au<br />
Comminges et jusqu’en Lomagne et Armagnac ainsi qu’à Bayonne (ALG VI, 2120; cf. ‘nogarolu’<br />
> Nougaro, ville du Gers); or L’application… de 1952 préférait -òu pour la langue littéraire (cf. p.<br />
148). Les Aranais s’y sont formellement opposés, cette graphie représentant un état ancien de la<br />
langue qu’il n’y a plus de raison de noter. Ils écrivent donc linçò, dò… (drap, deuil…).<br />
La finale /è/ est systématiquement notée par -tz lorsqu’il ne s’agit pas du pluriel d’un singulier<br />
en -t, alors que la norme gasconne et occitane réserve -tz à l’aboutissement d’un ce/ci latin. C’est<br />
beaucoup plus simple et mérite d’être étendu.<br />
Dans l’ensemble, donc, une volonté de rapprocher l’écrit de la langue encore vivante, facteur<br />
indéniable d’identité, en écartant des contraintes d’alignement sur une hypothétique langue occitane<br />
unifiée sur la base d’un languedocien bien lointain, ou même sur un ensemble gascon, sans attrait<br />
particulier. Cela montre les limites pratiques de la doctrine occitaniste d’unification graphique et<br />
linguistique dès qu’on est en présence d’une langue vivante; même l’“unité” gasconne a dû être<br />
sacrifiée, sans provoquer la démission des trois occitanistes français de la commission.<br />
22 – La graphie classique du gascon selon La Civada - Per Noste (1984)<br />
Présentation<br />
L’année suivant la publication des normes d’Aran à l’élaboration desquelles il avait activement<br />
participé, M. Grosclaude prenait encore une part majeure dans la publication du premier dictionnaire<br />
français-béarnais édité par les associations La Civada et Per Noste; idéologiquement titré<br />
Petit dictionnaire Français-Occitan (Béarn) (cf. p. 43) mais plus familièrement appelé le Civadot,<br />
il offre plus de 7 000 entrées françaises (dont plus de 6 500 noms “communs” et une table séparée<br />
de plus de 500 noms “propres”). Certes, M. Grosclaude ne signait explicitement que le titre II de<br />
l’introduction, Situation du parler du Béarn dans l’ensemble occitan, mais son autorité reconnue, à<br />
tous les sens du terme, permet de voir sa touche dans l’essentiel des Choix linguistiques du titre III,<br />
des Choix orthographiques du titre IV et, corrélativement, du Comment prononcer l’occitan dans le<br />
Béarn du titre V. En principe, seuls les titres IV et V devraient retenir notre attention au titre de la<br />
graphie; mais deux points du III touchent à la graphie et à la lecture, tandis que le 2 et le 3 du titre<br />
IV sur la notation ou non d’un -e “de soutien” dans des mots comme intime, objècte ou telefòne<br />
affectent directement la langue elle-même (cf. p. 148), ce qui est hors de notre sujet.