Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 145 Écriture du gascon
Deux textes parallèles de même valeur juridique
D’emblée, l’introduction est différente : La réforme… se justifie par la nécessité de mettre en
œuvre la nouvelle possibilité légale d’enseigner la Langue d’oc dans les écoles; pour le gascon, il
s’agit d’abord de lui « étendre » la réforme exposée dans la Gramatica de 1935, donc directement,
sans passer par l’intermédiaire de La réforme….
Or « appliquer » (cf. le titre « L’application… ») n’est qu’une mesure d’exécution d’une
norme de principe déjà « applicable » au domaine en cause; tandis que « étendre », qui modifie le
domaine d’application d’une norme, est une mesure de même force juridique que celle qui a défini
précédemment ce domaine.
Dès lors, si l’on se réfère à la Gramatica, qui ne visait que l’occitan languedocien, c’est bien
d’une extension qu’il s’agit; à cet égard, la qualification de « dialecte » attribuée au gascon n’est
pas illogique, en situant languedocien et gascon sur un même plan au sein d’un occitan “large”.
Mais alors, que signifie la parenthèse « (Cft : La Réforme…) » ? « Cft » est une abréviation
inhabituelle qui pourrait signifier « conformément à »; mais il ne pouvait s’agir de « se conformer »
à ce document :
– sinon, comme il semble viser le gascon avec tous les autres dialectes du Midi, il était inutile
de dire aussitôt que ses « règles générales » A à H [en réalité, La réforme… dit « principes »] sont
applicables au gascon et de rajouter en post-scriptum, comme pour réparer un oubli (p. 8, « Note
additionnelle »), que les « principes » d’épuration linguistique a à h [en réalité, La réforme… dit
« règles »] « doivent être appliqués au gascon » 24 .
– et une simple mesure d’application n’avait pas à être approuvée par le Conseil d’études; les
brochures qui ont effectivement appliqué La réforme… au provençal (œuvre de Robert Lafont,
1951) et au limousin (œuvre de Peir Desrozier et Joan Ros, 1974) n’ont en effet jamais été
approuvées ni présentées comme « documents de l’I.E.O. »
Il est donc hautement vraisemblable que l’insolite « Cft » résulte d’une faute de frappe pour
le classique « Cf. », simple invitation à rapprocher les deux documents… ce que je ferai souvent.
Nous sommes alors dans une grande logique : à l’instar de la La réforme… qui venait de
traduire en français et d’étendre à tous les dialectes occitans l’essentiel de la Gramatica (enrichi
toutefois de principes pour la plupart non exprimés dans la celle-ci), L’application… faisait de
même pour l’irréductible « dialecte gascon », en fait, pour la langue gasconne. Tout juste si, pour
économiser le papier, Alibert a évité, par deux renvois séparés, de reprendre les principes de
graphie et les règles générales d’épuration linguistique déjà contenus dans La réforme….
Nous avons donc deux documents d’égale valeur juridique pour deux langues sœurs du même
ensemble occitano-roman, comme nous le confirme un examen attentif de ce document; je n’en
donnerai ici que deux exemples topiques :
– d’une part, l’alphabet des deux idiomes, bien qu’identique, est défini par deux règles qui les
confrontent : « L’occitan utilise un alphabet de 23 lettres / Le gascon aura un alphabet de 23
lettres » (p. 3);
– d’autre part, pour ce qui est du traitement divergent en [d] ou en [z] du -d- latin entre voyelles
24 La formule employée, qui entend appliquer au gascon des « principes indiqués [pour] la langue d’Oc », met même le
gascon en dehors de celle-ci ! Sinon, il suffisait d’écrire « Bien entendu, les règles générales […] de la langue d’Oc
[…] s’appliquent au gascon. »