Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 117 Écriture du gascon
langue dans toute son étendue territoriale; il fut donc le seul à les appliquer, dans ses manuscrits; on
y trouve cependant quelques idées générales intéressantes, qui complètent celles de l’exposé
préliminaire.
Éliminons d’abord celle qui voudrait un graphème simple pour un phonème simple : elle
conduit à des caractères détournés de leur valeur habituelle, comme ç remplaçant ch, à l’adoption
du ñ, mais aussi d’un ! pour /"/ et plus encore une sorte de 8 ouvert en haut, parce que fait d’un u
surmontant un o, pour rendre /*/; mais l’abbé écrit /u/, ou, en deux lettres… : urouzemen…; le
résultat en est l’obligation de fondre des caractères spéciaux, qui s’opposa en fait à leur usage dans
l’impression posthume des Bers gascouns.
Mais nous notons à l’actif de l’abbé qu’il est partisan de ce qu’on appelle aujourd’hui les
graphies “englobantes” et estime que l’accent doit être réservé à « marquer l’élévation de la voix
sur les syllabes », donc l’accent dit “tonique”.
8 – Vastin-Désiré Lespy (1817-1887)
Contemporain de l’abbé Pédegert, Vastin Lespy eut, lui, l’heur de passer toute sa vie en
Béarn. Avant même la naissance du Félibrige, ce jeune professeur de lettres du lycée impérial de
Pau était parti à la recherche de la “vraie” langue béarnaise d’autrefois. Cela avait dû commencer
par la lecture des Fors anciens de Béarn publiés en 1841-43 par A. Mazure et J. Hatoulet, le premier
étant professeur de philosophie au même lycée.
Esprit rigoureux — ses œuvres le montreront bientôt —, Lespy dut alors être saisi par le contraste
entre l’écriture classique du béarnais et le désordre orthographique des écrits contemporains.
Dans les Fors, puis dans les innombrables textes conservés aux Archives des Basses-Pyrénées, il va
retrouver l’ancienne langue et en tirer la première Grammaire béarnaise (1858). Cette même année,
l’archiviste paléographe Paul Raymond était nommé à la tête des Archives. Bientôt amis, seuls ou
ensemble, ils devaient publier de nombreux textes anciens d’intérêt majeur pour l’histoire du Béarn
et de sa langue. Le décès prématuré de Paul Raymond en 1878 — il n’avait que 45 ans —
n’arrêtera pas Lespy qui publiera successivement une seconde édition de sa Grammaire (1880) et
son fameux Dictionnaire béarnais ancien et moderne (1887).
L’intérêt porté par Lespy à l’écriture du béarnais est tel qu’il va consacrer la première partie
de sa Grammaire à l’orthographe et à la prononciation : dans l’édition de 1880 que Laffitte reprints
a remis à notre disposition en 1978, ce sont 104 pages de règles et moitié autant de textes anciens et
modernes illustrant son propos, soit plus de 35 % des 440 pages que compte l’ouvrage; certes, les
règles sont assorties parfois de longues digressions philologiques ou autres, mais les 284 pages de
la seconde partie sont aussi truffées de notes sur l’orthographe et la prononciation, tellement ces
questions préoccupaient l’auteur.
Pour le centenaire de la mort de Lespy, l’Institut occitan de Pau y organisa un colloque les 10
et 11 octobre 1997 et me donna l’occasion d’y faire une communication sur La graphie du béarnais
chez Vastin Lespy (Lafitte, 1998). J’y ai donc examiné les règles énoncées par Lespy et recherché
comment il les a appliquées tant dans le Vocabulaire de quelque 3 300 mots, qui complète la
Grammaire, que dans le Dictionnaire lui-même. Voici un résumé de mes observations.
Les principes de la graphie selon Lespy
Tout d’abord, j’ai essayé de déterminer les principes qui avaient pu guider Lespy, à partir des