Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 122 Écriture du gascon<br />
digt et bingt; et s remplace x devant consonne sourde;<br />
– simplifier le code de l’écriture : outre les mesures qui précèdent, qui contribuent aussi à la<br />
simplification, on unifie en gn la notation de /'/, en -th celle de [0] et [tj], on traite le pluriel des<br />
mots en -c suivant la règle générale et la valeur /s/ de t devant i est rendue par c, d’utilisation<br />
générale dans cet emploi;<br />
– clarifier ce code : tout e tonique est marqué par un accent; la diphtongue /o*/ est notée par<br />
òu, ce qui supprime le ü tréma déjà proscrit des autres diphtongues et laisse au tréma son seul rôle<br />
de disjonction de voyelles en hiatus; (i)x ou x est remplacé par ch pour noter /#/, ce ch étant bien<br />
plus familier au commun des usagers formés à la graphie du français; -tz en finale est remplacé par<br />
-ts pour la même raison.<br />
Mais on ne voit pas comment expliquer la graphie aberrante par -s- du /z/ des noms de<br />
nombre ounse, doutse, tretse, etc. !<br />
Accessoirement, nous pouvons remarquer que th pour [tj] était déjà utilisé par de bons<br />
écrivains de la seconde moitié du siècle écoulé, en particulier pour le pronom eth (contre et dans le<br />
Dic. de Lespy); ainsi, I. Salles : outre eth, thoyne, barthe, péth (= pèth en gascon général), debath;<br />
et Hourcadut, Nostradamus et autres écrivains d’Orthez. Quant à ch, il rejoint le français, mais ci au<br />
lieu de ti et s à la place de x devant sourde s’en écartent délibérément, tandis que ci rapproche le<br />
béarnais du castillan; et gn se trouve dans les textes béarnais les plus anciens. En un mot, pas<br />
d’idéologie sous-jacente en dehors de celle qui consiste à rendre l’écrit accessible au plus grand<br />
nombre; et de toute façon, disparition de la référence systématique aux anciens textes béarnais :<br />
c’est une graphie moderne, plus facile à apprendre, pour une langue vivante du début du XX e s.<br />
Mais rien n’est changé à l’ambigüité du l’e final atone (gabe, crabe), ni à l’absence de critère<br />
pour savoir si i, u et ou finals sont toniques (lusi, que sabi…; segu, cadu…; pastou, carbou,<br />
layrou…), ou atones (homi, bimi, qu’aymi…; anyou, asou, cassou…), ou si h est aspirée (hort) ou<br />
non (haunou). Une nouvelle ambigüité est même créée par la notation du -n (vélaire) dans pan, hen,<br />
bin… que rien ne différencie du -n (dental) commun à tout le territoire gascon dans engan, balén,<br />
praubin…, d’autant que la famille des mots en -n dental est singulièrement agrandie par la<br />
suppression de la dentale finale amuïe après n (quoan, balen, roun, etc.).<br />
La suite<br />
Comment ces règles ont-elles été appliquées ? C’est difficile à apprécier, dans la mesure où<br />
elles devaient être remplacées cinq ans plus tard. Et l’on sait combien est longue la mise en place<br />
des réformes orthographiques. Il est certain en tout cas que leur “modernisme” provoqua la réaction<br />
du lettré qu’était le Dr Lacoarret (Al-Cartero) dans un article des Reclams d’aout 1903 : il proposait<br />
de rétablir la consonne finale amuïe, essentiellement -n et -r : mar, carn, flour, oubrèr, aymar, etc.<br />
Outre l’avantage théorique de conserver au mot sa vieille latinité, on comprendrait mieux la dérivation;<br />
et en poésie, on ne pourrait plus faire rimer des mots de même finale dans la prononciation,<br />
mais de finales différentes à l’écrit, comme blous, flours, briulouns. On retrouve là le courant<br />
archaïsant et savant mis à la mode dans le Félibrige par l’abbé Roux, puis par Estieu et Perbosc,<br />
mais que refusaient les jeunes Félibres de l’Escole, partisans de la modernité et du progrès.<br />
Il y eut des articles en sens opposé, plaidant pour une langue et une graphie proches du peuple<br />
qui pratiquait naturellement la langue. Par exemple, Henri Pélisson (le Félibre de Barétous) dans les