Histoire de l'internationalisme

JONATHAN SWIFT
l'empêchaient d'adopter et de faire siens en tout temps les intérêts
purement britanniques. L'élément stable de sa conception politique
serait plutôt sa défense de l'église anglicane. Mais, ici aussi, on remarque
son dualisme, ses hésitations. Le premier ouvrage de Swift ,, Taie of
a Tub ", pubHé en 1704 et qui avait pour but essentiel de railler les
autres communautés reUgieuses, notamment le catholicisme, contient
en même temps — et c'est là un détail assez caractéristique — une
satire très libre de l'éghse à laquelle il appartenait lui-même. On peut
donc, en un sens, dire que l'ouvrage représente une défense de la tolé-
rance, mais, à part cela, on n'y trouve aucun des aspects positifs qui
caractérisent le message de ceux qui prêchent la tolérance avant et
après Swift. (Par exemple Lessing dans ,, Nathan der Weise " où le
sujet légendaire est le même que chez Swift).
Considérant la situation internationale telle qu'elle se présente à
son époque, Swift expose son point de vue qui n'est que la répétition
pure et simple de la théorie des tories selon laquelle c'était le clan des
whigs qui continuait la guerre de succession d'Espagne, car les spécu-
lateurs de la bourse et, d'une façon générale, les gens fortunés y trouvaient
leur compte. On représentait volontiers Marlborough comme
l'incarnation même de cette cupidité. ^ Dans son tract pohtique le plus
important, The Conduct of the Allies, publié en 1712, Swift se pro-
posait de démontrer que le gouvernement whig avait commis trois
erreurs fondamentales et fatales : Il avait d'abord laissé l'Angleterre
accomphr le plus gros des efforts au heu de hmiter le rôle du pays à
celui d'un auxihaire. Puis c'était sur le continent européen que le pays
avait concentré le gros de ses forces, et cela aux dépens de la guerre
navale qui était la véritable mission de l'Angleterre et qui, en outre,
lui procurait des richesses. Enfin le gouvernement whig n'avait pas
réagi devant les ruptures de promesses de la part des aUiés, ce qui avait
forcé l'Angleterre à supporter les plus lourdes charges de la guerre.
Tout cela autorisait maintenant le gouvernement Harley à conclure
séparément et en bonne conscience la paix avec la France.
Comme c'était le cas pour Defoe, c'est donc un point de vue purement
anglais qui dicte les considérations de Swift sur la pohtique euro-
17— 18.
' Ybjo Hibn, Swift, Helsiiigfors 1918, pp.
» Leslie Stephen, Swift, London 1909, pp. 91—93.
231