Histoire de l'internationalisme

DOCTRINE DE L'EQUILIBRE
formes sous lesquelles est présentée la théorie de l'équilibre : union des
faibles contre le plus fort, ou bien ralliement des Etats faibles autour
de l'Etat second en puissance contre l'hégémonie du plus fort. Cette
conception est, au XVI^ siècle et encore au temps d'Henri IV et de
Richelieu, celle des auteurs français ; nous en avons trouvé des traces
très caractéristiques dans les Mémoires de SuUy.^ Mais alors que Sully
était dans une certaine mesure dominé par les traditions de l'idée de
la Respublique chrestienne, ou qu'il essayait en tout cas de donner à ses
projets une forme adaptée à cette concejrtion, il n'en est pas de même
d'autres auteurs de cette époque. Il est curieux de constater que l'auteur
le plus représentatif de l'école de l'Equilibre européen sous sa forme
française, le duc Henri de Rohan, fut le beau-fils et le coreligionnaire
de Sully. Chez Rohan on ne trouve jjIus trace de la conception du Corpus
christianum, de l'association très clu'étienne, apparemment si chère à
son beau-père.® Rohan s'oppose avec énergie à l'idée de la monarchie
universelle, non pas du point de vue des internationalistes, qu'il semble
ignorer complètement, mais au nom de l'intérêt de l'Etat individuel,
et surtout au nom de son propre Etat ; il se place entièrement sur le
terrain de la théorie de la Raison d'Etat. La conception n'est pas d'ordre
universaliste ; elle est franchement dualiste ; la poHtique européenne
est dominée à ses yeux par l'opposition irréductible entre l'Espagne et
la France, entre les deux maisons de Habsbourg et de Bourbon. Il écarte
le point de vue religieux ; s'il combat ,, le dessein de l'Espagne à la
monarchie " — cela veut dire d'après la terminologie de l'époque ,, mon-
archie universelle " — ce n'est pas en tant que protestant, — ce qu'il
était comme son beau-père, — c'est en quaUté de Français qui redoute
la puissance espagnole. Rohan est donc de ceux qui ont poussé à la
sécularisation de la politique extérieure. Richelieu, à qui il a dédié son
livre, et dont il a anticipé la ijolitique, a travaillé dans le même sens.
Le duc de Rohan prévoit-il la possibilité que la grande lutte entre
les Habsbourg et les Bourbons pourrait se terminer par la victoire de
ces derniers et qu'ainsi im jour on pourrait parler ,, du dessein de la
France à la monarchie " ? Il évite en tout cas soigneusement d'envisager
" Voir I, p. 450.
' Voir sur le livre de Rohan (1579— 1638), De l'interest des Princes et des
Estats de la Chrostienté, publié l'année de sa mort, Kaeber, 1. c. p. 40— 41...
et Meinecke, Idée der Staatsr&son, 203—238.
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