Histoire de l'internationalisme

DROIT DES GENS ET DROIT DE LA NATURE
à lui le droit des gens est sorti du cercle toujours étroit de l'école poiu-
entrer dans la société plus vaste et plus influente des hommes de lettres
et du public. Ainsi il a contribué à former la pensée de ce public dont
nous avons relevé la constitution au XYIII^ siècle. Vattel était neu-
châtelois, né en 1714, mort en 1767. Il fut donc sujet du Roi de Prusse
pendant quelques années ; il ser\it dans la diplomatie prussienne, plus
tard dans celle de la Saxe sans toutefois arriver à des situations
importantes. Si nous étudions ici ses idées, c'est surtout pour pouvoir
mesurer la propagation des idées internationalistes. Vattel peut être
considéré comme une sorte de baromètre de la mentalité de son époque.
Constatons d'abord que si Vattel rejette la fiction de la Civitas
Maxima, U reconnaît expressément l'existence d'une ,, Société établie
par la nature entre tous les hommes ". ilais puisque les hommes se
sont réunis en société civile pour former un Etat, une nation à part,
c'est, dit-U ,, désormais à ce corps, à l'Etat, et à ses conducteurs de
remplir les devoirs de l'humanité envers les étrangers, dans tout ce
qui ne dépend plus de la hberté des particuhers, et c'est à l'Etat parti-
culièrement de les observer avec les autres Etats " (§ 11, p. 4). Il arrive
ainsi à une conception légèrement divergente de celle de WoKf. ,, Chaque
Etat ou Nation est obligé de vi\Te avec les autres Sociétés ou Etats,
comme un homme étoit obligé avant ces Etabhssements, de vivre avec
les autres hommes, c'est-à-dire suivant les lois de la Société naturelle
établie dans le genre humain ; en observant les exceptions qui peuvent
naître de la différence des sujets" (Préliminaires, § 11).
Cette société supérieure entre les Etats, Vattel l'appelle ,, Société
des Nations ". C'est une formule qiù est entrée depuis dans la langue
courante française et qui de nos jours a reçu une consécration officielle.
Vattel définit les droits et les devoirs des nations entre elles ; elles
sont obligées par la nature d'observer la justice. ,, La Justice ", dit-il
(p. 130) ,, est la base de toute société, le hen assuré de tout commerce.
La Société humaine, bien loin d'être une communication de secours
et de bons offices, ne sera plus qu'un vaste brigandage si l'on n'y res-
pecte pas cette vertu qui rend à chacun le sien. Elle est plus nécessaire
encore entre les Nations, qu'entre les particuliers ; parce que l'injustice
a des suites plus terribles dans les démêlés de ces Puissans Corps Poli-
tiques, et qu'il est plus difficile d'en avoir raison."
296