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SPINOZA

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108 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

C'est ainsi que peu à peu s'éclaire un des rares cercles français<br />

librement ouverts aux influences étrangères. C'est là, et là seule<br />

ment, que les intermédiaires que furent Huygens, Leibniz et<br />

Tschirnhaus purent parler de Spinoza avec quelque chance d'être<br />

entendus. En parlèrent-ils? Rien n'est plus fugitif qu'une conver<br />

sation et les thèses du Tractatus étaient assez dangereuses pour<br />

justifier beaucoup de prudence. Il est remarquable que le Journal<br />

des Savants, qui souvent ne fait que démarquer les conversations<br />

ou la correspondance du groupe, ne signale que deux fois le philo<br />

sophe hollandais à l'attention du public; bien tardivement d'ail<br />

leurs, lorsque l'abbé Gallois aura quitté la rédaction, il résumera<br />

en 1678 et 1680 dans de courtes notices bibliographiques les<br />

réfutations de Cuperus et de Van Velthuysen (1). Mais prudence<br />

n'implique nullement ignorance. Nous en avons une preuve plus<br />

directe : le 2 mai 1676, Tschirnhaus écrit de Paris à Spinoza :<br />

« J'ai appris de M. Leibniz que le précepteur du dauphin de<br />

France, appelé Huet, un homme d'un savoir étendu, doit écrire<br />

sur la vérité de la religion et réfuter votre Traité théologo-poli<br />

tique (2). » Or, par qui Daniel Huet, dont la Demonslralio evan-<br />

gelica est sur le chantier depuis 1670, a-t-il été informé des<br />

thèses du Tractatus, mis en possession de l'ouvrage qu'on ne<br />

saurait trouver encore dans une bibliothèque française? Il est<br />

difficile de penser à Huygens, homme prudent qui déteste les<br />

controverses. C'est très probablement Leibniz, à Paris depuis<br />

1672, qui au cours de fréquents contacts avec Huet, a pu consul<br />

ter le manuscrit de son apologie (3), informer l'érudit des impiétés<br />

spinozistes, confier sans doute l'ouvrage, susciter la réfutation<br />

sollicitée en vain de Spitzel; c'est lui encore qui guide la plume<br />

de Tschirnhaus écrivant à Spinoza et qui attend la réponse<br />

du maître avec ce mélange de naïveté et de duplicité qui carac<br />

térise si souvent sa correspondance et ses rapports sociaux.<br />

Nous n'hésitons pas à affirmer que Leibniz est le principal infor<br />

mateur de Huet. Mais ces vraisemblances deviendront des certi-<br />

(1) Journal des Savants (Paris, P. Witte, 1730; 13 décembre 1677, p. 144,<br />

et 17 janvier 1678, p. 16 : réfutation de Cuperus; 6 mai 1680, p. 78 : réfu<br />

tation de Velthuysen « contre l'ouvrage posthume de Spinoza et contre le<br />

premier que cet homme sans religion a donné depuis quelques années sous<br />

le nom de Tractatus theologico-politicus »).<br />

(2) Appuhn, t. III, p. 367.<br />

(3) Cf. lettre de Leibniz à Seckendorff du 10 juin 1683 : « Huetio quidem<br />

saepe locutus sum vidique opus ejus, cum adhuc non nisi manuscriptum<br />

haberetur » (cf. Davillé, loc. cit., Band XXVI, p. 75, note 51).

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