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« LE TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE »<br />
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« un nouveau charme pour les libertins qui aiment toujours à<br />
douter de ce qui les condamne (1) ». Mais le temps presse. La que<br />
relle du quiétisme, la tentative de réunion des Églises demandent<br />
une action immédiate et la Défense de la tradition et des Saints<br />
Pères, commencée dès 1693, ne verra jamais le jour du vivant<br />
de Bossuet (2). Simon profite de ce répit, et voici qu'au prin<br />
temps 1702, dûment approuvée par la censure, paraît à Tré<br />
voux dans la principauté de Dombes, la Version du Nouveau<br />
Testament. Cette fois, Bossuet est libre, étudie la version, lance,<br />
dès le mois de mai, quatre-vingt-neuf remarques critiques, agit<br />
vigoureusement auprès de M. de Malézieu, chancelier de la prin<br />
cipauté, et de Mgr de Noailles, archevêque de Paris, interdit<br />
l'ouvrage dans son diocèse par une ordonnance du 29 septembre.<br />
Dès le 29 décembre, il publie chez Anisson la Première Instruc<br />
tion sur la version du Nouveau Testament (3); dans la seconde,<br />
précédée d'une Dissertation sur la doctrine et la critique de Gro<br />
tius, Bossuet décide d'étudier la filiation libertine qui mène de<br />
Socin à Richard Simon. Incapable de voir la position originale<br />
de Spinoza, ou craignant plutôt de dévoiler une doctrine obs<br />
cure, il le range sans nuances dans la secte (4), qu'il croit unie,<br />
de ses adversaires. Dès lors, son attaque paraît confuse. Pour<br />
quoi distinguer? Tous poursuivent un but commun : « conten<br />
ter la raison humaine par l'exclusion de tous les mystères »,<br />
développer « le sens charnel qui secoue le joug de la foi « », éteindre<br />
l'enfer (5) ». Or, le point essentiel de l'attaque libertine porte<br />
sur les prophéties. Les sociniens admettent les miracles et la<br />
Résurrection. C'est une hypocrisie de la part d'impies qui<br />
« éludent les prophéties au sens véritable et les réduisent en un<br />
sens mystique et spirituel (6) ». Il n'est pas naturel qu'un phi<br />
lologue,<br />
un homme positif comme Simon vante sans arrière-<br />
pensée cette interprétation sublime, ce deras comme il dit dans<br />
son jargon rabbinique. La prophétie n'est pas une allégorie<br />
« qui n'a rien de littéral ni de concluant (7) », la Bible n'est<br />
(1) Défense de la tradition et des Saints Pères (in Œuvres complètes, édit.<br />
Lâchât, Paris, Vives, 1862, t. IV, Préface, p. x).<br />
(2) Cf. Journal de l'abbé Ledieu, 19 octobre 1701 : « Si je ne le donne<br />
pas (cet ouvrage), c'est faute de loisir et que je n'en ai pas pu trouver le<br />
temps depuis l'affaire de M. de Cambrai... Avant toute chose, il ne se faut<br />
pas mettre la tête en quatre; j'ai en mains un ouvrage plus pressant, c'est<br />
la conciliation. » Ce n'est qu'en 1743 que la Défense paraîtra en Hollande<br />
dans les Œuvres posthumes.<br />
(3) La seconde parait chez le même éditeur le 9 août 1703.<br />
(4) Œuvres complètes (t. III, p. 484).<br />
(5) Ibid., t. III, p. 394.<br />
6) Ibid., p. 571.<br />
(7) Ibid., p. 485.