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144 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />
il propose des solutions personnelles. A chaque audace, Richard<br />
Simon répond par un retour prudent à la tradition. Leclerc<br />
veut-il affirmer la non-mosaïcité du Pentaleuque? Rien n'empêche,<br />
« que tout le Pentateuque ne soit véritablement de<br />
dira Simon,<br />
Moïse, puisqu'il n'a pas d'autres additions que celles qui se<br />
trouvent dans les autres livres et qu'on distingue par les règles<br />
de la critique sans les ôter pour cela à leurs véritables auteurs (1) ».<br />
Leclerc suggère-t-il l'idée d'une fraude pieuse lors de la décou<br />
verte sous le roi Josias du livre de la Loi? Richard Simon s'émeut<br />
«t admet que c'était le seul exemplaire authentique existant<br />
dans tout Israël (2). Leclerc enfin doute-t-il de l'existence des<br />
scribes? Richard Simon se défend laborieusement et passe aux<br />
aveux : c'est une hypothèse utile qui « établit contre les libertins<br />
la vérité des histoires contenues dans les Écritures ». « Si l'on<br />
est une fois convaincu que les Hébreux ont toujours eu dans leur<br />
République des personnes chargées du soin de mettre par écrit<br />
•ce qui se passait de plus important dans leur État, on sera<br />
obligé de reconnaître que les actes qui sont dans le Pentateuque<br />
et dans les autres livres de la Bible ont été écrits par des auteurs<br />
contemporains et qu'ils ont par conséquent toute l'antiquité<br />
nécessaire (3). »<br />
C'est alors que se sentant acculé et mis en demeure de choisir<br />
entre la tradition et le libéralisme des latitudinaires, Richard<br />
Simon décide d'en finir avec Spinoza qu'on ne cesse d'évoquer<br />
à son propos : ce sera l'objet de l'opuscule De l'inspiration des<br />
livres sacrés (4). Cette fois, il parlera sans détours : Spinoza a<br />
vu clair mais il a mal raisonné. Les faits qu'il invoque sont<br />
exacts, mais les conséquences qu'il en tire sont fausses. Ce n'est<br />
pas une raison pour nier les faits : Spinoza « convient souvent<br />
de principes avec nos plus savants théologiens... Il est seulement<br />
blâmable dans les fausses conséquences qu'il en tire. C'est pour<br />
quoi quelques auteurs qui lui ont contesté de certains principes<br />
qui lui sont communs avec les plus habiles gens de notre commu-<br />
VHisloire critique (cf. Margival, p. 225), mais n'oublions pas que ce dernier<br />
ouvrage ne fut abordable que dans l'édition de Reinier Leers de 1685.<br />
(1) Réponse au livre intitulé 'Sentimens de quelques théologiens de Hol<br />
lande... • par le prieur de Bolleville (R. Simon) (Rotterdam, R. Leers, 1686,<br />
p. 78). Cf. Réponse à la défense des • Sentimens... » (Rotterdam, R. Leers,<br />
1687, p. 137) : » Pour ce qui est des additions qu'on croit avoir été insérées<br />
au Pentateuque après Moïse, elles ne sont pas de si grande importance qu'on<br />
en puisse conclure qu'il n'est point l'auteur des anciens actes qui sont dans<br />
les livres de la Loi. ><br />
(2) Réponse à la défense..., p. 140.<br />
3) Ibid., p. 116.<br />
(4) De l'inspiration des livres sacrés (lettre à M. l'abbé P., docteur et<br />
professeur en théologie touchant..., Rotterdam, Reinier Leers, 1687, 50 p.).