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<strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />
l'idée de perfection : « C'est par le moyen de la vue et de l'im<br />
pression d'une infinité d'autres objets que nous découvrons qu'il<br />
en a de plus ou moins parfaits et que nous formons ainsi l'idée<br />
y<br />
de l'être souverainement parfait (1) ».<br />
En somme, Spinoza n'est pas le grand coupable; il n'est<br />
qu'un disciple logique de Descartes. Spinoza a le mérite de la<br />
franchise, alors que Malebranche fait l'hypocrite : « Le Père<br />
Malebranche qui définit Dieu comme Spinoza... ne peut éviter<br />
de tomber dans un précipice qui n'est éloigné que de deux<br />
doigts de celui de Spinoza, savoir que l'univers n'est qu'une éma<br />
nation de Dieu... Il croit que toute la nature est Dieu et que tout<br />
ce qui est appartient uniquement à la substance de Dieu (2) ».<br />
Seule la foi lui démontre l'existence de la matière et des corps.<br />
La conséquence implacable de la vision en Dieu, c'est l'assimi<br />
lation de Dieu et de l'univers, donc l'athéisme. La preuve en est<br />
que « les athées d'aujourd'hui qui veulent se mieux cacher que<br />
Spinoza et ses disciples et paraître cependant fort religieux<br />
embrassent avec joie et défendent avec chaleur les hypothèses<br />
du Père Malebranche (3) ». Et Aubert de Versé de conclure :<br />
contre le ferment d'athéisme que Descartes a répandu si impru<br />
demment, il n'est qu'un remède : se rallier à l'idée d'une subs<br />
tance étendue éternelle, fort compatible avec les textes sacrés,<br />
et renoncer à la funeste idée de création. « Voilà ce que j'avais<br />
à dire contre Spinoza. Je n'ai pu le faire sans examiner les prin<br />
cipes du cartésianisme qui sont les fondements du spinozisme.<br />
Je ne sais ce qu'en diront les partisans de cette philosophie et<br />
s'ils prendront le parti de défendre les hypothèses que je combats<br />
ou de montrer qu'elles ne conduisent nullement au spinozisme.<br />
S'ils le prennent, c'est là où on les attend (4) ».<br />
L'Impie convaincu fut accueilli avec méfiance, parfois avec<br />
stupéfaction. En terre protestante, le libéral Aubert de Versé<br />
passait un peu pour un provocateur. Bayle, qui, à propos du<br />
Protestant pacifique, lui découvrait beaucoup d'esprit, regrettait<br />
son indulgence pour l'Église romaine (5). Lorsqu'au début d'oc<br />
tobre 1684, il reçoit son nouvel ouvrage (6) et l'analyse dans les<br />
(1)<br />
2 Ibid., p. 143.<br />
3) Ibid., p. 202.<br />
4 Ibid., p. 240.<br />
(5) « Quand il adoucit les dogmes de l'Eglise romaine,<br />
L'Impie convaincu (p. 99).<br />
il s'attache surtout<br />
à écrire contre le Préservatif de M. Jurieu. Tous les sectaires de ce parti<br />
font grand cas du livre et il faut avouer qu'il y a de l'esprit en bien des<br />
endroits » (lettre à Lenfant du 8 mars 1684, in Œuvres diverses, t. IV, p. 613).<br />
« (6) On vient de m'envoier un qui est contre Spinoza et Descartes