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SPINOZA

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238 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

autre de même nature qui par ailleurs lui est identique, ne<br />

serait donc bornée que par elle-même. Tout cela nous mène<br />

à l'absurde conclusion : « Rien n'est fini, tout est infini : nullam<br />

rem lerminari, omnem infinitam esse (1). r, Nouvelle conséquence<br />

et nouvelle absurdité; mettre la causalité en Dieu, c'est suppri<br />

mer toute causalité : « Rien n'est cause d'autre chose, tout est<br />

cause de soi, nullam rem alterius esse causam, sed omnem esse<br />

causant sui (2). » Comment interpréter alors les distinctions<br />

fameuses du livre III de l'Éthique entre agir et pâtir? Tout le<br />

système moral de Spinoza qui semble son dessein suprême<br />

s'effondre sur des bases aussi ruineuses (3). Comment fonder<br />

une physique sur une doctrine qui nie la communication des<br />

mouvements? S'il n'y a pas d'action réciproque entre substances<br />

indépendantes,<br />

même (4).<br />

rien ne peut être mis en mouvement de soi-<br />

Langenhert triomphe alors. L'étrange monde de Spinoza, où<br />

règne un déterminisme absolu, où la liberté est refusée tout<br />

aussi bien à l'homme qu'à Dieu qui n'a même pas, comme pour<br />

Descartes, l'initiative de la chiquenaude initiale,<br />

est le domaine<br />

de l'inconnaissable. L'homme ne peut prétendre par une phy<br />

sique retrouver les lois des phénomènes ni par une morale un<br />

sens à ses actions. Spinoza joue avec les mots dont il déforme<br />

le sens à loisir, confusas Cl vulgares loquelas; dans ses excès de<br />

subtilité, il ne fait que battre les airs (5); mais à ce jeu-là, il<br />

nous trompe tout autant qu'il se trompe, ludit et luditur.<br />

Certes, Langenhert excède souvent les droits d'une honnête<br />

discussion et, avec une complaisance inquiétante, verse l'obscu<br />

rité sur les passages ardus de l'Éthique. Mais sa critique qui<br />

va droit au IIe livre, témoigne d'une belle audace, refuse de<br />

suivre les accusations banales des théologiens, et jongle non sans<br />

adresse avec l'effrayant appareil géométrique de l'ouvrage. On<br />

peut lui reprocher d'être négative, mais Langenhert promet dans<br />

sa conclusion de trouver au problème de la connaissance des<br />

«•solutions neuves et originales (6) ». Or,<br />

cette promesse a été<br />

(1) Éthique (fol. 3 v°).<br />

(2) Ibid., fol. 4.<br />

(3) Ibid., fol. 7 et v».<br />

(4) Ibid., fol. 8 v».<br />

(5) Langenhert, op. cit. (fol. 5) : « medio-<br />

Quae, inquam, si quis vel<br />

criter suetus ratiociniis contulerit, nae is facili opéra perspexerit quam subtiliter<br />

subtilem sed non cohaerentem aerem pulset Spinoza ».<br />

(6) Ibid., fol. 9 : « Ne tamen opinetur quisquam quod, dum Spinozae haec<br />

objiciam, ex aliorum putem qui hactenus claruere Philosophorum ratiociniis<br />

propositae quaestionis solutionem hauriri posse : alia certe et ab iis diversissimum<br />

esse novi, quae huic et similibus satisfaciant. »

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