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SPINOZA

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256 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

borne à prouver que les motifs de croyance sont aussi justifiés<br />

que ceux de l'impiété. Dans la mesure où Descartes rend la<br />

révélation possible, son disciple l'oppose à Spinoza qui la nie.<br />

Voilà pourquoi, dans un appendice de vingt pages, il choisit<br />

cet exemple privilégié en donnant « une brève, mais exacte<br />

réfutation de Spinoza touchant l'existence et la nature de<br />

Dieu ». (1) En somme, c'est la théodicée des quinze premières<br />

propositions de l'Éthique que Régis va reprendre après Fran<br />

çois Lamy, mais avec un ton neutre et une froideur toute pro<br />

fessorale. Chaque définition, axiome et proposition sont méti-<br />

culeusement traduits puis réfutés avec une rigueur de catalogue.<br />

Mais chaque fois, au lieu de discuter les termes spinozistes,<br />

d'en montrer la vanité, il se borne à reprendre les mêmes termes<br />

dans une acception différente, conforme au langage cartésien.<br />

En somme, les deux philosophes parlent deux langues et Régis<br />

refuse tout interprète. Au lecteur de choisir la meilleure. En<br />

fait,<br />

c'est un étrange dépeçage. Que discerner derrière ces dis<br />

tinctions verbales : « L'essence peut renfermer l'existence en<br />

deux manières, ou en excluant seulement la cause matérielle<br />

ou en excluant tout ensemble et la cause matérielle et la cause<br />

efficiente (2) »; « une chose peut être finie en deux manières,<br />

ou selon son essence ou selon sa grandeur »; il existe « des attri<br />

buts génériques, spécifiques et numériques (3)? » En fait, on<br />

sent le professeur qui suit un schéma d'études et qui a peur<br />

d'échapper à ses cadres scolaires. Pour Régis comme pour Des<br />

cartes, Dieu demeure un être supersubstantiel (4), le seul à<br />

exister in se et per se par la seule nécessité de sa définition;<br />

deux substances, l'étendue et la pensée,<br />

n'existent que par un<br />

acte libre de Dieu, in se sed non per se. Au lieu de revivre dans<br />

son intensité psychologique le mouvement des Méditations, Régis<br />

donne au cartésianisme l'allure sclérosée d'une philosophie scolastique.<br />

Nulle part l'impression d'une pensée personnelle, mais<br />

l'opposition d'une recette à une autre. Certes, il reconnaît la<br />

parenté intellectuelle des deux philosophes : « Si les définitions<br />

et axiomes de Spinoza mal entendus ne suffisent pas pour<br />

prouver que Dieu est une substance étendue et pensante, comme<br />

Spinoza le prétend, ils servent au moins, quand ils sont pris dans<br />

un bon sens, à confirmer ce que nous avons dit de la nature<br />

et de l'existence de Dieu (5). » Certes, il y a de la clarté dans<br />

(1) L'Usage de la foy et de la raison (p. 481-500).<br />

(2) Ibid., p. 482.<br />

3 Ibid., p. 483.<br />

4) Ibid., p. 491.<br />

(5) Ibid., p. 499.

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