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SPINOZA

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<strong>SPINOZA</strong> ET LE PROTESTANTISME FRANÇAIS 83<br />

tions mentales, les thèses politiques du Tractatus dans sa lutte<br />

contre l'intolérance calviniste de Jurieu; mais ce ne sera qu'une<br />

intervention dans une querelle plus vaste, où l'orientation poli-<br />

sique du Refuge sera tout entière mise en question et passionné<br />

ment discutée, à la lumière de Spinoza (1), aussi bien par Bossuet<br />

et Pellisson que par Jurieu, Claude, Saurin et Bayle. Mais, dès<br />

1684, Aubert de Versé essaie de faire honnêtement le point devant<br />

l'Éthique avec une franchise déconcertante et une originalité<br />

certaine : ce fut l'Impie convaincu (2).<br />

Il n'est pas de témoignage plus sensible que ce livre, de l'im<br />

portance que revêtait la diffusion du spinozisme aux yeux des<br />

contemporains. L'Éthique impose une révision des valeurs phi<br />

losophiques utilisées jusque-là pour confirmer le christianisme.<br />

Trois questions se posent à ce sujet; quel est le sens du spino<br />

zisme et quelles sont les conséquences religieuses qui en décou<br />

lent? Quelle est l'origine philosophique d'une telle doctrine et<br />

quels sont les précédents historiques qui ont permis de telles<br />

aberrations? Quel est enfin le moyen, tout en faisant la part<br />

des critiques justifiées et irréfutables, de construire en face<br />

du spinozisme un édifice rationnel capable d'abriter le christia<br />

nisme? L'ambition d'Aubert de Versé n'était pas modeste et<br />

excédait les moyens intellectuels du personnage. Mais le problème<br />

était posé pour la première fois avec vigueur et traduisait fort<br />

bien le désarroi temporaire de la pensée occidentale. Au lieu de<br />

crier au monstre, comme tant d'autres, il faisait face aux ravages.<br />

Avant de poser les théorèmes rigoureux du Ier livre de l'Éthique,<br />

Spinoza avait analysé longtemps les deux idées de Dieu et de<br />

nature et l'on peut suivre dans ses premiers essais, le Court<br />

Traité (3) ou la Lettre à Louis Meyer (4), le jeu de convergence<br />

qui mènera à leur complète assimilation. C'est cette même ana<br />

lyse que reprend Aubert de Versé, mais le jeu est singulièrement<br />

plus grossier. En face du dualisme chrétien, fondé sur l'idée de<br />

création et sur l'hétérogénéité fondamentale de Dieu et d'une<br />

(1) Cf. infra.<br />

(2) L'Impie convaincu ou Dissertation contre Spinoza dans laquelle on<br />

réfute les fondements de son athéisme (l'on trouvera dans cet ouvrage non<br />

seulement la réfutation des maximes impies de Spinoza mais aussi celle des<br />

principales hypothèses du cartésianisme que l'on fait voir être l'origine du<br />

spinozisme. Amsterdam, Jean Crélie, 1684, i-x-274 p., dont une lettre latine<br />

Aulhoris epistula ad amicum N. de Spinozianae impieialis origine, cum brevi<br />

illius confutalione, p. 241-274).<br />

(3) Composé vers 1660, le Court Traité de Dieu, de l'homme et de la santé<br />

de son âme nous est parvenu sous une rédaction en langue hollandaise (tra<br />

duction Janet, Paris, 1878).<br />

(4) Lettre 12 du 20 avril 1663 (Appuhn, t. III, p. 150 sq.), cf. P.-L. Cou<br />

choud, op. cit. (chap. III).

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