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LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 239<br />
tenue en partie. En 1701, notre Hollandais ouvrait à Paris une<br />
école de philosophie : un curieux prospectus, traduit par son<br />
protecteur l'abbé Régnier Desmarais,<br />
exposait en quatre dia<br />
logues les éléments d'une philosophie nouvelle et les sujets de<br />
— ses premières conférences (1). Le Nouveau Philosophe c'était<br />
—<br />
le titre de l'ouvrage essayait en dehors de Descart.es et de<br />
Spinoza de fonder une théorie valable de la connaissance.<br />
Renonçant au doute cartésien, attaquant violemment les uni-<br />
versaux scolastiques dont il faisait la base contestable de la<br />
théodicée spinoziste (2), il annonce une réfutation complète de<br />
l'Éthique « par les principes mêmes de Spinoza... et que Spinoza<br />
ne pourrait pas s'empêcher de reconnaître pour ses principes (3) ».<br />
Mais son idée nouvelle est que Spinoza n'a pas compris la dis<br />
tinction des sciences; il y a une vérité des mathématiques et de<br />
l'histoire qui n'est pas celle de la métaphysique : « Si, en compo<br />
sant son Éthique, il avait connu cette distinction des sciences,<br />
il n'aurait jamais attaqué le christianisme comme il l'a fait ni<br />
son judaïsme. Et si ceux qui ont entrepris de le réfuter l'avaient<br />
bien eux-mêmes connue, ils n'y auraient pas échoué comme ils<br />
l'ont fait au grand contentement des spinozistes (4). » Quant à<br />
la vérité du monde extérieur, par-delà la commode vision en<br />
Dieu de Malebranche, il semble annoncer déjà les solutions de<br />
Berkeley : « Hors de notre esprit, point de corps », ou amorcer<br />
l'hypothèse kantienne d'une science des « phénomènes, prouvée<br />
par le sentiment intérieur... et appuyée sur la vérité de la phy<br />
sique ». (5) 11 est remarquable cependant que ces voies nou<br />
velles dérivaient d'une exégèse minutieuse non seulement de<br />
Descartes, mais surtout de Spinoza dont Langenhert est pro<br />
fondément nourri (6). Même si nous ignorons ce que fut son<br />
influence —<br />
son école ne semble guère avoir attiré d'élèves et<br />
—<br />
nous perdons sa trace dès 1704 nous (7) tirons de sa courte<br />
(1) Le Nouveau Philosophe (Paris, André Cramoisy, 1701-1702, 3 dia<br />
logues d'octobre, novembre, décembre 1701 et 4e du début de 1702) (B. N,,<br />
R. 14.601). « L'auteur du Nouveau Philosophe donnera tous les mois au<br />
public un dialogue pareil à celui-ci, où il traitera de la philosophie suivant<br />
ses principes. Tous les mercredis il tiendra chez lui des conférences publiques<br />
pour ceux qui voudront s'en éclaircir avec lui... »<br />
« (2) C'est de la supposition des choses et des idées générales et univer<br />
selles que... Spinoza a tiré cet être universel qu'il appelle Dieu » (Le Nouveau<br />
Philosophe, 1" dialogue, p. 93).<br />
(3) Ibid., p. 75-77.<br />
4 Ibid., p. 65.<br />
5) Ibid., IV dialogue, p. 88.<br />
(6) Ibid. (W dialogue, citations p. 77-81; cf. p. 97 : « Depuis que vous<br />
avez lu Spinoza, vous me paraissez être devenu plus ardent dans la dispute<br />
que vous n'étiez en qualité de simple cartésien »).<br />
(7) Nous possédons de Langenhert un Carmen nalalilium Aremoricae