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SPINOZA

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LA NAISSANCE D'UNE LÉGENDE 31<br />

ses amis, qu'il voulait mourir sans dispute et qu'il craignait de<br />

tomber dans quelque faiblesse de sens qui lui fît dire quelque<br />

chose dont on tirât avantage contre ses principes. C'est-à-dire<br />

qu'il craignait qu'on ne débitât dans le monde qu'à la vue de la<br />

mort, sa conscience s'étant réveillée l'avait fait démentir de sa<br />

bravoure et renoncer à ces sentiments (1). »<br />

« Vanité ridicule et outrée », conclut Bayle; derrière la pru<br />

dence des mots, décelons au contraire l'admiration. Dans la<br />

mesure où il défend dès lors la thèse de l'athée vertueux, Bayle<br />

se sent solidaire de Spinoza; en même temps que sa pensée s'en<br />

sa connaissance du spinozisme se précise et la figure de<br />

richit,<br />

Spinoza s'embellit jusqu'au dernier portrait du Dictionnaire<br />

historique et critique. Au cours de ses polémiques contre le Père<br />

Maimbourg, puis contre Jurieu,<br />

il recherche toujours le fonde<br />

ment de la moralité des athées; bientôt l'idée germe en lui d'une<br />

raison pratique universelle, donnée à tous les hommes, indépen<br />

dante de la raison spéculative. Cet instinct moral, cette cons<br />

cience immanente, n'est l'apanage exclusif d'aucune secte. Sans<br />

base métaphysique, cette raison pratique que les athées par<br />

tagent avec les chrétiens n'exige aucune récompense surnatu<br />

relle. Dès les Pensées diverses, Bayle laissait entendre que « la<br />

vertu se devait tenir à elle-même lieu de récompense et qu'il<br />

n'appartenait qu'à un méchant homme de s'abstenir du mal par<br />

la crainte du châtiment (2) ». Mais si le bien n'a pas de salaire,<br />

l'athée ne surpasserait-il pas le chrétien par le caractère désin<br />

téressé de son acte? Bayle n'hésite pas à le prétendre; dans une<br />

note de son Dictionnaire, il va jusqu'à voir là l'idée profonde de<br />

Spinoza : « Ceux qui nient l'immortalité de l'âme et la Provi<br />

dence... sont ceux qui soutiennent qu'il faut s'attacher à la vertu<br />

à cause de son excellence et parce qu'on trouve dans cette vie<br />

assez d'avantages à la pratique du bien moral pour n'avoir pas<br />

sujet de se plaindre. C'est sans doute la doctrine que Spinoza<br />

aurait étalée s'il avait osé dogmatiser publiquement (3). »<br />

Dès lors, nous comprendrons mieux les critiques de Bayle à<br />

l'égard de l'Éthique; sans vouloir douter de leur sincérité, il faut<br />

convenir que Bayle a intérêt, pour les besoins de sa thèse, à voir<br />

dans Spinoza un athée dont le déisme n'est que précaution de<br />

style. Spinoza doit demeurer le cas limite de l'athée vertueux.<br />

Plus la critique du système se durcit, plus la beauté morale du<br />

(1) Pensées diverses (op. cit., t. II, chap. 181, p. 134).<br />

2) Ibid., (édit. Prat, t. II, chap. 178, p. 122-123).<br />

p. 206, note E).<br />

(3) Dictionnaire (Amsterdam, 1734, t. V,

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