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SPINOZA

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198 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

Christ de prêcher l'Évangile est aussi impératif que le comman<br />

dement exprès de Dieu de prophétiser. Spinoza n'est pas chré<br />

tien et l'argument ne le toucherait pas. Mais « ce qui a trompé<br />

Spinoza est qu'il s'est imaginé qu'un homme ne peut pas se<br />

servir de sa raison et être en même temps dirigé par l'esprit<br />

de Dieu. Comme si en devenant l'interprète de Dieu on ces<br />

sait d'être homme, et qu'on fût un instrument purement passif-<br />

Cet homme suppose toujours que l'inspiration prive entière<br />

ment de l'usage de la raison,<br />

ce qui est très faux... Les pro<br />

phètes de Spinoza sont des enthousiastes qui ressemblent plu<br />

tôt à des hommes poussés par un esprit de fureur que par un<br />

esprit prophétique (1) ». Cette fois, Richard Simon est au nœud<br />

de l'affaire. Il ne peut admettre cette confusion de la prophé<br />

tie et de l'enthousiasme et ravaler les prophètes juifs au rang<br />

des labadistes (2) ou des quakers (3); or,<br />

c'est bien un peu ce<br />

que Spinoza laisse entendre, dans la mesure où la connaissance<br />

prophétique, fondée sur l'imagination, n'est qu'un substitut vul<br />

gaire de la connaissance rationnelle. Avec Richard Simon et<br />

Spinoza s'opposent pour la première fois les deux explications<br />

désormais classiques de l'expérience, mystique.<br />

Mais Bossuet, inlassable,<br />

guette Richard Simon à chaque<br />

publication nouvelle. Une telle explication de la prophétie qui<br />

en sauvegarde l'autorité mais en sape les fondements, l'inquiète.<br />

Lorsqu'en 1693 paraît l'Histoire critique des commentateurs du<br />

Nouveau Testament, le siège du prélat est fait. Richard Simon<br />

fait courir à l'Église un péril mortel; ce prêtre est le loup dans<br />

la bergerie. Non content de mésuser de son érudition rabbi-<br />

nique, il avoue les sources de ses doctrines étranges. Avec sa<br />

clairvoyance habituelle, Bossuet décèle la ligue socinienne, celle<br />

de CreHius et d'Épiscopius, l'influence déterminante de Grotius,<br />

la tentation diabolique de Spinoza. Sous prétexte d'objectivité,<br />

Simon remue « une infinité de difficultés qu'il ne peut ni ne veut<br />

résoudre » et par les doutes qu'il provoque,<br />

fi<br />

son ouvrage est<br />

(I) Histoire critique... (chap. XXV, p. 298).<br />

(2) Jean de Labadie, né à Bourg-sur-Gironde en 1610, mort à Altona<br />

en 1674, fondateur d'une secte millénariste en Hollande.<br />

(3) Les quakers, dont les voyageurs en Angleterre s'étonnèrent dès le<br />

milieu du xvn» siècle (cf. Recueil Conrart, Arsenal, ms. 5.423), étaient<br />

connus par l'ouvrage d'Aubert db Vbrsé (Le Protestant pacifique, Amster<br />

dam, 1688) et par la traduction de Chamberlaywe (Êlat présent de l'Angle<br />

terre, 1698, 2 vol. in-12). Cf. sur ce point Lanson, édition critique des Lettres<br />

philosophiques (Paris, Droz, 5» édit., 1937, pi 8-10).

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