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SPINOZA

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202 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

comme Valincour constatent avec quelque cruauté ses insuffi<br />

sances.<br />

Étonnante en effet l'indigence de la pensée française en<br />

face de l'ampleur et de la liberté d'esprit de Spinoza. Chacun,<br />

orthodoxe ou libertin, rigide ou latitudinaire, se cantonne dans<br />

le détail, voile ses intentions profondes,<br />

pense avec anxiété<br />

aux conséquences temporelles de ses doctrines. Il est caracté<br />

ristique que tous les théologiens du temps connaissent Spinoza<br />

et que bien peu osent énoncer avec clarté ses idées sur la révé<br />

lation; caractéristique encore que le déisme naissant ne veuille<br />

avouer ses dettes envers le Tractatus. L'audace de la pensée et<br />

la modération du ton ont dû gêner nos pamphlétaires.<br />

Mais cette gêne est encore modérée chez les défenseurs de<br />

la prophétie. La tendance générale est de donner une interpré<br />

tation non pas rationnelle, mais raisonnable de la théopneustie.<br />

Certes, cette emprise de Dieu sur l'âme des prophètes, cette<br />

inspiration de l'Esprit Saint sur les apôtres demeurent quelque<br />

chose de mystérieux. Mais une certaine pudeur, bien dans la<br />

ligne digne et sévère de la pensée officielle, interdit de ramener<br />

l'inspiration à l'illuminisme. « Les auteurs des livres sacrés non<br />

seulement ont dit la vérité, ils ont encore parlé d'une manière<br />

sensée et raisonnable », déclare l'homonyme de Richard Simon;<br />

le sens littéral est le bon et l'allégorie dangereuse : « L'on ne<br />

doit recourir à l'allégorie et à la métaphore que quand le sens<br />

propre est absurde, parce que le Saint-Esprit ne peut inspirer<br />

des absurdités (1) ». D'autres, comme le janséniste Dupin ou<br />

le protestant Grostête de La Mothe, essaient de ramener<br />

l'inspiration à une direction, à une assistance plutôt qu'à une<br />

suggestion impérieuse qui s'exerce en dehors des faits psycho<br />

logiques normaux : « La plus grande partie du Nouveau Testa<br />

ment n'est du Saint-Esprit qu'en ce qu'elle a été écrite sous<br />

sa direction par des hommes dont il laissait agir les facultés en<br />

les rendant invariables dans le chemin de la vérité (2) »; l'ins<br />

piration est « une assistance particulière du Saint-Esprit qui<br />

(1) Dictionnaire de la Bible (Lyon, Jean Certe, 1693, p. 57, 2« règle).<br />

(2) Traité de l'inspiration des livres sacrés du N. T. (Amsterdam, 1695,<br />

p. 226), cité par A. Monod, op. cit., p. 59 ( Grostête de la Mothe et non<br />

Groteste,<br />

comme l'écrit M. Monod sur la foi d'une erreur d'impression (cf. sur<br />

■ce point le catalogue de la Bibliothèque Nationale), né à Orléans en 1647,<br />

fut pasteur de l'Église française de Savoie à Londres après la Révocation<br />

de l'Ëdit de Nantes).

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