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SPINOZA

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300 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

apôtre s'armer de toutes ses foudres pour discuter l'œuvre<br />

démoniaque et la tirer de l'ombre avec tant de verve. N'est-ce<br />

pas lui « l'habile homme » dont il redoutait naguère l'esprit<br />

clair? L'explication est facile : depuis 1683, la crise du carté<br />

sianisme, au cours des polémiques de Malebranche et d'Arnauld,<br />

se déroule sous le signe de l'Éthique; en 1688, dans les Entre<br />

tiens métaphysiques, Malebranche, par sa critique de l'infini<br />

composé, a donné le premier schéma d'une réfutation rationnelle<br />

du spinozisme (1). Bayle en 1697, sans avoir encore lu Fran<br />

çois Lamy (2), est délié de son vœu de silence. L'article Spinoza<br />

est, sous sa forme définitive de 1702, un des plus lourds du Dic<br />

tionnaire : vingt-cinq pages in-folio et vingt-huit remarques (3)<br />

déroulent un curieux lacis de précisions biographiques, de réfé<br />

rences érudites, d'interprétations nouvelles et de repentirs.<br />

Encore faudrait-il tenir compte des quinze articles où le spino<br />

zisme est étudié dans ses rapports avec les philosophies anciennes<br />

et modernes (4). Mais cette érudition, loin d'être inutile, permet<br />

de circonscrire le sujet. Le dogmatisme unitaire de l'Éthique,<br />

éclairé par l'évolution de la pensée humaine, apparaît sous sa<br />

forme géométrique comme l'expression privilégiée d'une phi<br />

losophie ennemie. L'attaque se déclenche brutalement : « C'est<br />

la plus monstrueuse hypothèse qui se puisse imaginer, la plus<br />

absurde et la plus diamétralement opposée aux notions les<br />

plus évidentes de notre esprit (5). »<br />

Mais Bayle ne tient pas à suivre l'Éthique pas à pas, comme<br />

Wittichius et Lamy. Un résumé rapide du premier livre suffit,<br />

un seul point critique « l'arrête, l'idée horrible de Dieu » confondu<br />

avec la nature; il ne saurait aller plus loin, car son argumenta<br />

tion, fort simple, s'appuie sur deux bases de pensée populaire,<br />

l'expérience et le bon sens; toute la richesse est dans un luxe<br />

d'exemples comiques servis avec humour : Bayle veut plaire<br />

et entraîner l'adhésion à moindres frais. Premier argument<br />

fondé sur l'expérience : l'univers n'est pas une substance unique,<br />

car « tout ce qui est étendu a nécessairement des parties et<br />

tout ce qui a des parties est composé (6) ». Bayle ne se soucie<br />

(1) Entretiens métaphysiques (édit. Genoude, t. IX,<br />

(2) Cf. B. H. L. (octobre 1912, p. 930).<br />

3) Dictionnaire (t. V, p. 201-226).<br />

p. 205).<br />

(4) Ibid., articles Aristote (I, 477), Abélard (I, 27), Abumuslimus (I, 55),<br />

Averroës (I, 562), Césalpin (II, 386), Buridan (II, 207), Cainites (II, 231),<br />

Diogène (II, 640), Démocrite (II, 609), Chrysippe (II, 466), Japon (III, 436),<br />

Leucippe (III, 677), Lucrèce (III, 829), Xénophane (V, 564) et Zenon<br />

(5) Ibid., t. V, p. 203.<br />

(6) Ibid., t. V, remarque N, p. 210.

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