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SPINOZA

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68 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

ne défend et il ne se propose pas les objections dans toute la<br />

force où les libertins les pourraient mettre. » Sensible plus qu'il<br />

ne veut le dire au déterminisme de Spinoza, Bayle s'inquiète;<br />

« Il est certain que notre expérience de la liberté n'est pas une<br />

bonne raison de croire que nous soyons libres. Et je n'ai vu<br />

personne qui ait prouvé qu'il soit possible qu'un esprit créé<br />

soit la cause efficiente de ses volitions. Toutes les meilleures<br />

preuves qu'on allègue sont que sans cela l'homme ne pécherait<br />

point et que Dieu serait l'auteur des mauvaises pensées aussi<br />

bien que des bonnes. Cela est bon à dire de chrétien à chrétien,<br />

mais en disputant contre des impies, on tombe par là dans la<br />

pétition du principe. Spinoza admet cette conséquence et vous<br />

met dans la néeessité de recourir à d'autres preuves. Apparem<br />

M. Jaquelot réfutera plus ample<br />

ment dans une seconde édition,<br />

ment cet impie, sur ce qu'il réduit notre liberté à la simple et illu<br />

soire spontanéité ou non-coaction qui accompagne ce que nous<br />

nommons actions libres (1). «Bayle voyait clair : la puissance<br />

destructrice de l'Éthique était moins dans sa théodicée que dans<br />

sa théorie de la connaissance et de la liberté, qui posait à nouveau<br />

devant le dogme chrétien le problème de l'erreur et du mal.<br />

Mais Jaquelot était à bout de souffle (2); avant que Leibniz<br />

résolve pour son compte le conflit nouveau, le pasteur Jean La<br />

Placette essaya de le relayer.<br />

Le conflit avec Spinoza prenait d'ailleurs une toute autre<br />

ampleur depuis qu'il enrôlait Bayle sous sa bannière : le problème<br />

de la liberté était crucial pour le protestantisme. Sans libre<br />

arbitre, Dieu est accusé d'être l'auteur du péché;<br />

mais la doctrine<br />

de la grâce avec l'extrémisme calviniste de la prédestination<br />

heurte le libre arbitre : contradiction qui ne choque pas les mys<br />

tiques mais gêne le rationalisme religieux. Bayle y insiste avec<br />

malice dans ses Réponses aux questions d'un provincial (3). Mais<br />

alors que Jaquelot concentre ses efforts sur Bayle, Jean La Pla<br />

cette remonte aux sources et préfère s'en prendre à Spinoza<br />

(1) In Œuvres diverses de Bayle, t. IV, p. 729 sq. (lettre 185 du 13 dé<br />

cembre 1696).<br />

(2) Il reprendra cependant l'attaque contre Bayle dans sa Conformité<br />

de la foi avec la raison (Amsterdam, 1705, in-8°). Cf. un remarquable dévelop<br />

pement sur l'éminente dignité de l'homme libre contre les arguments logiques<br />

de Bayle dans les articles Buridan et Hélène du Dictionnaire (ibid., p. 166 sa.).<br />

(3) Œuvres diverses, t. III, p. 782 sq. (le tome I de la Réponse est de 1704;<br />

les tomes II et III de 1705; le tome IV de 1706).

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