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« LE TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE » 163<br />
tatus pouvait déclencher dans le monde catholique un renouveau<br />
des études bibliques —<br />
et<br />
l'effort méritoire de Richard Simon<br />
en montrait à la fois l'opportunité et la possibilité — la critique<br />
biblique devient une arme pour le nouveau libertinage. A la<br />
sérénité spinoziste, succéderont au siècle suivant les pamphlets<br />
de Fréret et d'Holbach, les notes caricaturales de la Bible enfin<br />
expliquée, les outrances ricanantes de Voltaire. Certes,<br />
en face<br />
de Spinoza, l'Église catholique a dû préciser sa doctrine biblique,<br />
en exclure la fantaisie et la puérilité; mais en étendant sciem<br />
ment sur les livres sacrés une zone d'ombre, en coupant net<br />
aux curiosités de ses propres membres, en déclarant brutalement<br />
pour reprendre le titre de l'athée d'Orléans Geoffroy Vallée que<br />
l'art de la critique était « l'art de ne rien croire (1) », elle a dan<br />
gereusement renoncé pour longtemps à une science qui désormais<br />
se bâtira en dehors d'elle. Il est permis, avec Renan, mais aussi<br />
avec l'abbé Margival, de le regretter (2).<br />
B. —<br />
La critique religieuse.<br />
Mais si l'apologétique officielle pouvait, en face de la critique<br />
scripturaire instaurée par Spinoza, feindre l'ignorance et garder<br />
le silence,<br />
elle se devait d'intervenir vigoureusement lorsque les<br />
preuves les plus simples et les plus populaires étaient mises en<br />
cause, à savoir les prophéties et les miracles. Certes, Spanheim<br />
avait montré contre Richard Simon que, sans l'assurance d'un<br />
texte sacré intangible, les preuves traditionnelles s'écroulent;<br />
mais c'était une objection d'érudit qui n'atteignait guère la<br />
foi populaire, et l'orthodoxie pouvait à bon droit penser que<br />
demeurait sauve l'efficacité pratique du merveilleux chrétien.<br />
Spinoza allait ruiner cet espoir, considérablement aidé d'ailleurs<br />
par l'essor du rationalisme qui à l'intérieur même de l'Église<br />
s'est assuré déjà des positions essentielles.<br />
(1) Le mot est de Laubrussel, op. cil. (t. I, p. 393).<br />
(2) Ce n'est que le 27 juillet 1906 que la papauté approuve la décision<br />
suivante (cf. Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, Beauchesne,<br />
1919, p. non-<br />
1915) : « Utrum admitti possit tam longo saeculorum decursu<br />
nullas modificationes obvenisse uti addimenta post Moysi mortem; vel ab<br />
auctore inspiralo apposita, vel glossas et explicationes textui interjectas,<br />
vocabula quaedam et formas e sermone antiquato in sermonem recentiorem<br />
translatas? Responsio : affirmativa, salvo Ecclesiae judicio. » Richard Simon<br />
avait attendu deux cents ans sa justification.