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SPINOZA

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152 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

au christianisme. « Quels monstres d'opinions se faut-il mettre<br />

dans l'esprit, quand on veut secouer le joug de l'autorité divine<br />

et ne régler ses sentiments non plus que ses mœurs que par sa<br />

raison égarée (1). » La vérité, c'est que l'on veut secouer la loi<br />

du Christ : « L'Écriture est un livre ennemi du genre humain;<br />

il veut obliger les hommes à soumettre leur esprit à Dieu; il faut<br />

qu'il périsse et, à quelque prix que ce soit, il doit être sacrifié<br />

au libertinage (2). »<br />

Il y a derrière ces accents lyriques de Bossuet une sincérité<br />

qui impose le respect, et l'on imagine aisément la douleur un<br />

peu rageuse qu'il ressentit en feuilletant après Arnauld cette<br />

traduction de Saint-Glain venue d'Utrecht. Rien ne le portait<br />

à estimer Spinoza ni même à le comprendre. Bossuet ne connaît<br />

pas l'hébreu; ces controverses dont il ne saisit que les consé<br />

quences désastreuses, maintenant que le livre est traduit en<br />

français, l'irritent. Du haut de ses certitudes, il fouaille les<br />

regratteurs de syllabes et dévoile leurs noirs desseins. En fait<br />

cependant, il marque quelques reculs : l'Écriture présente des<br />

difficultés; les altérations y sont nombreuses de même que les<br />

contradictions dans les lieux, les dates et les généalogies. Le<br />

don de prophétie ne peut résoudre les anachronismes. Il y a eu<br />

des recensions, des copies fautives, des additions marginales qui<br />

ont passé dans le texte, ou tout simplement des erreurs de<br />

mémoire. On ne peut plus admettre qu'une providence spéciale a<br />

sauvegardé la lettre de l'Écriture (3) et l'on sent que Bossuet souffre<br />

de cet aveu. Mais Bossuet ne saurait accepter que l'étude de la<br />

lettre portât atteinte au fond. Or, plus perspicace en cela que<br />

Richard Simon, il sent que la philologie et l'histoire mènent au<br />

libertinage; que si l'on accepte la méthode de Spinoza, il est<br />

vain de croire que l'on peut s'arrêter en route et, par une falla<br />

cieuse théorie, s'opposer à des conclusions que la raison exige.<br />

Voilà pourquoi jusqu'à sa mort il luttera si durement contre<br />

l'ancien oratorien, malgré tous ses sarcasmes (4); voilà pourquoi<br />

il répétera l'ancienne leçon de saint Augustin : il faut soumettre<br />

son esprit à Dieu, car la raison de l'homme n'est pas moins<br />

(1) Discours (p. 547).<br />

2 Ibid., p. 552.<br />

« (3) Que nous fallait-il davantage que ce fond inaltérable des livres<br />

sacrés et que pourrions-nous demander de plus à la divine Providence? »<br />

(Ibid., p. 550.)<br />

prétend que i.<br />

qui reconnaissent dans les livres de la loi le moindre changement... accordent<br />

trop à leurs adversaires » (cité par Hazard, op. cit., t. III, p. 82).

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