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<strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />
les rapports entre le riche prud'homme de Rotterdam et l'humble<br />
professeur de « l'École illustre », il est certain qu'à son contact<br />
Bayle a précisé sa connaissance des origines, de la personnalité<br />
et de l'influence de celui qui déjà symbolisait à ses yeux l'athée<br />
vertueux.<br />
Dès lors, et pour toute sa vie, Bayle est lié à Spinoza; pen<br />
dant plus de vingt ans, une attention minutieuse lui fait lire<br />
tout ce qui paraît sur le spinozisme, interroger ceux qui l'ont<br />
connu, rechercher auprès des libraires les manuscrits inédits et<br />
des lettres, consigner les anecdotes. Son érudition trouve d'abord<br />
une excuse dans les comptes rendus des Nouvelles de la Répu<br />
blique des Lettres; en mai 1684, il décèle le spinozisme d'Abraham<br />
Cuffeler; en juin 1684 discute les objections de Saldenus au<br />
Tractatus et rapproche Spinoza du naturalisme de Bodin (1); en<br />
octobre, il lit l'Impie convaincu d'Aubert de Versé et dénoue<br />
les liens qui mènent de Descartes à Spinoza (2); en avril 1685,<br />
il loue modérément les arguments mystiques de Poiret contre<br />
la théologie de l'Éthique (3); en 1685 et 1686, il assiste en specta<br />
teur passionné aux querelles de Jean Leclerc et de Richard<br />
Simon sur l'authenticité de l'Écriture et l'inspiration des livres<br />
sacrés (4), et apprécie dans la sagesse de leur libéralisme le<br />
seul moyen de dégager la religion des attaques du Tractatus;<br />
en juin 1686, il reconnaît la position conciliante d'Ellies Du<br />
Pin (5). La même année, dans sa lettre latine De scriplis ades-<br />
potis à Jansen Van Ameloveen, il signale que l'auteur de la<br />
préface aux Opéra Posthuma est le mennonite Jarig Jelles et<br />
que Louis Meyer l'aurait traduite en latin (6). Malgré ses inter<br />
minables polémiques contre Jurieu, il prépare dès 1690 le Dic<br />
tionnaire; l'énorme article sur Spinoza est déjà en chantier;<br />
l'effrayante érudition qu'il accumule lui permet de préciser les<br />
liens qui unissent aux thèses de l'Éthique les philosophes de<br />
l'antiquité, de la Renaissance italienne et de l'Orient. Sur la<br />
vie de Spinoza, il consulte la préface de Jarig Jelles aux Opéra<br />
Poslhuma et « un mémoire communiqué à son libraire... dressé<br />
p. 138, 15 juillet 1683 : « Je voudrais avoir plusieurs patrons et amis comme<br />
celui-là », et p. 387, octobre 1685).<br />
(1) Cf. Œuvres diverses (t. I, p. 61, 66 et 71).<br />
(2) Ibid., t. I, p. 157.<br />
3) Ibid., t. I, p. 274.<br />
(4) Ibid., t. 1, p. 331 (juillet 1685, à propos des Sentimens de quelques<br />
théologiens de Hollande,<br />
de Leclerc), p. 422 (novembre compte<br />
1685,<br />
rendu de la réponse de Richard Simon), p. 718 (décembre compte<br />
1686,<br />
rendu de Simon, VInspiration des livres sacrés).<br />
(5) Ibid., t. I, p. 574, (compte rendu de la Nouvelle Bibliothèque des<br />
auteurs ecclésiastiques).<br />
(6) Ibid., t. IV, p. 164.