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SPINOZA

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286 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

des idées claires, des mathématiques, et des nombres (1). »<br />

Après un tel aveu, le dialogue était inutile : entre l'exigence<br />

rationnelle, la disponibilité intellectuelle de Dortous de Mai<br />

ran et ce déni brutal de la raison où Malebranche n'essayait<br />

plus de concilier les jeux de l'esprit et l'exigence chrétienne, le<br />

contraste des deux siècles s'accusait. Une fois de plus, le spino<br />

zisme était rejeté de la pensée chrétienne, mais par la voix de<br />

Dortous de Mairan, ami futur de Fontenelle et de Voltaire,<br />

Spinoza ruinait l'ambition du rationalisme chrétien et l'espoir<br />

d'une conciliation aisée de la foi et de la raison.<br />

Mais l'exemple de Dortous de Mairan justifiait toutes les<br />

inquiétudes. D'autres viendraient, qui n'auraient ni sa loyauté<br />

ni sa culture et qui trouveraient dans l'édifice spinoziste un<br />

refuge commode pour leur impiété. C'est contre cette autorité<br />

que se dresse un autre oratorien, Massillon, dans son sermon<br />

Des doutes sur la religion (2). Il ne s'agit plus dès lors de réfu<br />

ter l'athée, mais de protéger le troupeau : « Un Spinoza, ce<br />

monstre qui, après avoir embrassé différentes religions, finit par<br />

n'en avoir aucune, n'était pas empressé de chercher quelque<br />

impie déclaré qui l'affermît dans le parti de l'irréligion et de<br />

l'athéisme; il s'était formé à lui-même ce chaos impénétrable<br />

d'impiété, cet ouvrage de confusion et de ténèbres, où le seul<br />

désir de ne pas croire en Dieu peut soutenir l'ennui et le dégoût<br />

de ceux qui le lisent, où hors l'impiété tout est inintelligible<br />

et qui, à la honte de l'humanité, serait tombé en naissant dans<br />

un oubli éternel et n'aurait jamais trouvé de lecteurs, s'il n'eût<br />

attaqué l'Être suprême; cet impie, dis-je, vivait caché, retiré,<br />

tranquille; il faisait son unique occupation de ses productions<br />

ténébreuses et n'avait besoin pour se rassurer que de lui-même.<br />

Mais ceux qui le cherchaient avec tant d'empressement, qui<br />

voulaient le voir, l'entendre, le consulter, ces hommes frivoles<br />

et dissolus, c'étaient des insensés qui souhaitaient de devenir<br />

impies et qui... cherchaient dans le témoignage seul d'un homme<br />

(1) Moreau, p. 143 (cf. p. 172 : « Pour moi, je ne bâtis que sur les dogmes<br />

de la foi dans les choses qui la regardent, parce que je suis certain, par<br />

mille raisons, qu'ils sont solidement posés »).<br />

(2) Sermon pour le mardi de la 4' semaine de Carême. L'abbé Blampignon<br />

(Massillon, Paris, Palmé, 1879, p. 191) ne réussit pas à en établir la date.<br />

Il semble en tout cas postérieur à 1704, car l'édition non avouée de Trévoux<br />

ne le recueille pas (1705-1706) et antérieur à 1717, date du Carême prêché<br />

aux Quinze-Vingts et de la nomination à l'évêché de Clermont.

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