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SPINOZA

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296 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

gions, et n'essaie nullement de donner du miracle une explica<br />

tion par les causes naturelles : c'est jeu de théologien, non<br />

de philosophe. Faut-il donc croire Bayle lorsqu'il se rallie à<br />

saint Augustin à propos du miracle de Jonas : « Ou il faut nier<br />

tous les miracles de Dieu ou reconnaître qu'on n'a nul sujet<br />

de rejeter celui-ci? » Encore une fois,<br />

personne n'est dupe.<br />

Mais Bayle ne ruse pas toujours. Le message de tolérance<br />

à côté de la<br />

du Tractatus, son idéal de religion naturelle qui,<br />

sagesse philosophique, prête une valeur morale à la révélation,<br />

son essai de construction politique qui sauvegarde les droits de<br />

la conscience, mais maintient la suprématie du pouvoir politique<br />

sur la religion, tout cela donnait à penser. Or, il est assez curieux<br />

que l'essentiel des thèses spinozistes soit repris par Bayle lors<br />

de la furieuse polémique qui l'oppose à Jurieu. Lisons le Com<br />

mentaire philosophique sur le « Compelle intrare » de 1686 : ;; La<br />

lumière naturelle ou les principes généraux de nos connais<br />

sances sont la règle matrice et originale de toute interprétation<br />

de l'Écriture... Tout sens littéral qui contient l'obligation de<br />

faire des crimes est faux... Tout dogme particulier est faux<br />

lorsqu'il est réfuté par les notions claires et distinctes de la<br />

lumière naturelle (1). » Ce sont les principes mêmes de Spinoza<br />

au chapitre IV De la loi divine, lorsqu'il essaie de retrouver<br />

dans la révélation judaïque les prescriptions de la lumière<br />

naturelle (2). Spinoza se défiait de la théocratie juive et affir<br />

mait qu'il était « pernicieux, tant pour la religion que pour<br />

l'État,<br />

d'accorder aux ministres du culte le droit de décréter<br />

quoi que ce soit ou de traiter les affaires de l'État (3) ». Bayle,<br />

dans l'Avis important aux réfugiés de 1690, s'insurge de même<br />

contre les appels révolutionnaires de Jurieu qui relèvent moins<br />

du libéralisme que d'une théocratie déguisée; derrière l'appel<br />

au peuple, Bayle décèle l'ambition politique du calvinisme. Spi<br />

noza disait que « le souverain seul... avait charge de conser<br />

ver et de garder les droits de l'État (4) »; Bayle maintient que<br />

« la souveraineté est une » et que « les souverains ont droit de<br />

bannir pour la religion », sans que les bannis puissent trahir<br />

leur patrie (5). Mais chez l'un et l'autre, cette loyauté politique<br />

et cette haine de la sédition se concilient fort bien avec le res<br />

pect des consciences : Bayle marque les limites du pouvoir<br />

(11 Commentaire philosophique... (in Œuvres diverses, t. II, p. 367 et 370).<br />

(2) Appuhn, t. II, p. 92 sq.<br />

3) Ibid., t. II, p. 354.<br />

(4) Ibid., t. II, p. 312.<br />

(5) Avis important... (in Œuvres diverses, t. II, p. 574 et 592).

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