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SPINOZA

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314 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

tôt que se l'imaginer « irrité, perdant le monde dans sa colère<br />

et le réparant ensuite sans le rendre meilleur (1) ». La ruine<br />

de Sodome prouve le même accord de la Providence et de la<br />

nature « qui fait que ses habitants se trouvent au comble de<br />

leurs désordres lorsque leur terre perd ses fondements et qu'elle<br />

s'abîme (2) ». Le passage de la mer Rouge par les Hébreux<br />

exige la même réduction naturelle; Spinoza s'appuyait sur le<br />

témoignage de Josèphe (3), Boulainviller utilise Diodore et<br />

Strabon qui notent le peu de profondeur du golfe et les reflux<br />

gigantesques; il est vain de « concevoir cet événement comme<br />

un prodige purement surnaturel »,<br />

mais « plus noble et plus<br />

convenable de la considérer comme un effet singulier de la Pro<br />

vidence dans la direction des causes naturelles (4) ». Quant aux<br />

prodiges secondaires, il s'en débarrasse plus aisément que Spi<br />

noza : ;; La même Écriture dit ailleurs que le mouvement du<br />

soleil fut arrêté par Josué. On ferait de cette histoire une très<br />

mauvaise preuve contre le mouvement de la Terre (5). »<br />

Quelle est donc, vers 1700, l'intention générale de Boulain<br />

viller? Manifestement, c'est un conciliateur qui ne s'embarrasse<br />

plus des prudences de Richard Simon. Servi par un tempéra<br />

ment fort peu mystique,<br />

qui expliquera sa sympathie pour la<br />

pureté dogmatique de l'Islam, il tient à sauvegarder la révéla<br />

mais veut dégager la religion de la politique et par là-<br />

tion,<br />

même du réseau des intérêts et des superstitions : « La religion<br />

est une souveraine médecine qui fait digérer les ordonnances<br />

les plus dures et qui plie avec facilité les esprits à leur obser<br />

vation (6)... » « Les superstitions... ont été le fruit du loisir et<br />

de l'adresse des prêtres qui faisaient par leur institution un<br />

corps séparé du reste de la nation et dont l'intérêt sensible était<br />

de se rendre maîtres de la conscience des autres hommes (7). »<br />

Ce christianisme épuré, rationnel, méfiant à l'égard du culte<br />

et des dogmes, n'est pas loin du déisme de Spinoza. Mais ne<br />

faisons pas encore du comte de Saint-Saire un de ses disciples.<br />

Alors que Spinoza montrait<br />

qu'<br />

« entre la foi ou la théologie<br />

et la philosophie, il n'y a nul commerce, nulle parenté (8) »,<br />

(1) Ms. Mazarine.<br />

2 Ibid., t. I, p. 730.<br />

(3) Appuhn, t. II, p. 147.<br />

(4) Ms. Mazarine, t. I, p. 858-859.<br />

(5) Abrégé d'histoire universelle, ms. Angoulême, t. I, p. 216.<br />

(6) Abrégé, ms. B. N., f. gr., n»<br />

6.364, t. II, p. 147 (cf. Simon, op. cil.,<br />

p. 320).<br />

(7) Ibid., ms. Mazarine, t. I, p. 510-511.<br />

(8) Appuhn, t. II, p. 278 : « Nul ne peut l'ignorer qui connaît le but et<br />

le fondement de ces deux disciplines, lesquels sont entièrement différents :

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