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LA QUERELLE DE <strong>SPINOZA</strong> : « L'ÉTHIQUE » 241<br />
tence de Dieu et réconcilie la foi et la raison. Mais nos carté<br />
siens, tentés par des voies diverses et qui souvent se déchirent<br />
entre eux, ne sont pas fâchés non plus de démontrer en face de<br />
Spinoza la valeur dialectique et l'orthodoxie chrétienne de leurs<br />
propres déviations. C'est donc pour le cartésianisme une ques<br />
tion de salut; c'est en combattant Spinoza qu'il fera la preuve<br />
à la fois de son efficience et de sa piété.<br />
Mais cette aisance devait être de courte durée. Les ennemis<br />
de Descartes, loin de désarmer, ajoutaient à l'argument eucha<br />
ristique une accusation plus insidieuse; dans une campagne qui<br />
souvent apparaît conjuguée, Leibniz et la Compagnie de Jésus<br />
dénoncent la parenté des deux philosophes. Il devient donc<br />
urgent de défendre Descartes et de se désolidariser violemment<br />
de l'impiété nouvelle. Nous distinguerons historiquement ces<br />
deux attitudes : la première époque est marquée par une offen<br />
sive presque officielle de l'Église française qui, dans ses meilleurs<br />
esprits, croit encore à l'utilité de Descartes et si l'on en juge<br />
par l'importance donnée à l'événement par les correspondances<br />
du temps et par la valeur des autorités engagées, semble com<br />
mettre le soin de réfuter Spinoza au bénédictin François Lamy.<br />
A cette attitude offensive allait succéder vers 1696-1697, à la<br />
suite de l'affaire déclenchée par la lettre de Leibniz à l'abbé<br />
Nicaise, une attitude défensive. L'Église devient réticente à<br />
l'égard d'une doctrine compromise; Fontenelle, qui se dit car<br />
tésien en physique, ne se soucie nullement de défendre des<br />
valeurs théologiques qu'il conteste. La piété cartésienne se fait<br />
dès lors prudente : alors qu'Arnauld et Lélevel se taisent, inter<br />
viendront encore avec autorité les derniers fanatiques, Pierre<br />
Cally et Régis.<br />
Né l'année même du Cid, le baron de Monthyveau, capitaine<br />
de chevau-légers, passait à l'armée pour un rude bretteur (1);<br />
converti à la suite d'un duel où la règle de saint Benoît l'avait<br />
protégé, il avait pris l'habit en 1658 et prononcé ses vœux à<br />
Reims l'année suivante; devenu Dom François Lamy en entrant<br />
dans la Congrégation de Saint-Maur, il devait cependant, conser<br />
ver l'humeur querelleuse et susceptible du duelliste d'autrefois.<br />
(1) Cf. Bouillier, op. cit. (t. II, p. 363)<br />
(des renseignements souvent dis<br />
cordants sont donnés par Moreri, La Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques<br />
du 18' siècle, Paris, 1736, 2 vol. in-8°, et par Dom Tassin, Histoire littéraire<br />
de la Congrégation de Saint-Maur, 1770, in-4").<br />
P. VERNIÈRE, I<br />
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