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SPINOZA

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148 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

croyait solides. Les fidèles regrettaient la lumineuse concision<br />

de l'apologie de Grotius (1)<br />

et de l'Exposition de la doctrine de<br />

l'Église catholique que venait de rédiger Bossuet. Les fanatiques<br />

s'emportent. Le cordelier Claude Frassen clame contre la cor<br />

ruption de l'intelligence : « Vides, catholice lector, in quam hor-<br />

rendas errorum voragines misère praecipites ruant, qui, abjecta<br />

semel fidei simplicitate, spretisque majorum documentis, volunl<br />

$apere plus quam oportet sapere (2). » Mais dans cette condamna<br />

tion de l'esprit, dans ce déni de la raison, n'allait-on pas voir<br />

comme un aveu de défaite? Une grande voix se devait d'inter<br />

venir, celle de Bossuet.<br />

Paul Hazard, dans un de ses meilleurs chapitres de la Crise<br />

de la conscience européenne (3), nous a révélé la figure nouvelle<br />

d'un Bossuet humilié et douloureux, non pas celle de l'orateur<br />

nombreux ou du prélat chamarré de Rigaud, mais celle d'un<br />

vieux lutteur qui se désespère et fait front de toutes parts.<br />

Bossuet connaît le Tractatus que le grand Arnauld, autre lutteur<br />

aux abois, vient de recevoir de Hollande; et s'il avait dépendu<br />

de lui,<br />

nul n'en aurait entendu parler. Mais d'autres n'ont pas<br />

eu cette sagesse; les thèses diaboliques sont dévoilées et les<br />

meilleurs esprits en subissent l'influence. Il ne suffit pas de<br />

dénoncer Richard Simon et Ellies du Pin, d'écraser l'erreur et<br />

de la livrer au bras séculier; il faut exalter la vérité. Or, tou<br />

jours fidèle à l'esprit du collège de Navarre, cette vérité n'est<br />

pas seulement pour lui une vérité de foi, mais une vérité de<br />

bonne foi, une vérité raisonnable. C'est ce qu'il s'attache à<br />

prouver dans son Discours sur l'histoire universelle (4). Alors<br />

que Spinoza et Richard Simon sont frappés par la diversité,<br />

l'erreur, le disparate, Bossuet admire au contraire la logique<br />

providentielle de l'évolution humaine; la gigantesque fresque qu'il<br />

présente à son royal élève n'offre ni retouche ni repentir. Nul<br />

problème ne se pose, il suffit d'admirer « tout l'ordre et toute<br />

la suite, de comprendre tout ce qu'il y a de grand parmi les<br />

hommes, de tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de<br />

l'univers (5) ». L'inquiétude cependant n'en est pas toujours<br />

(1) De verilate religionis chrislianae (Elzévir, 1636), ouvrage maintes fois<br />

réédité au cours du siècle et traduit par Mézeray en 1649, Beauvoir en 1656<br />

et l'oratorien Lejeune en 1692 (cf. Albert Monod, De Pascal à Chateau<br />

briand, Paris, Alcan, 1916, p. 14). C'est l'apologie préférée de Bayle et de<br />

Leibniz.<br />

!2) Disquisiliones biblicae (Paris, 1682, 2 vol., t. I, p. 132).<br />

3) Paris, Boivin, 1935 (3 vol. in-8»), t. I, p. 265 sq.<br />

4) I" édit., 1681, in-4°; 3« édit. revue, 1700.<br />

5) Ibid., Œuvres choisies de Bossuet (Hachette, 1865, t. I, p. 160 (Pré-

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