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SPINOZA

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« LE TRAITÉ THÉOLOGICO-POLITIQUE » 169<br />

causes occasionnelles (1)<br />

sauvegarder aussi la dignité suprême de Dieu en ramenant tout<br />

». Spinoza fera-t-il autre chose que de<br />

prodige à une composition, inconnue de nous, des lois naturelles?<br />

A vrai dire, en toute naïveté, le pieux oratorien s'en tenait<br />

aux prodiges dont volontiers s'empare la superstition populaire<br />

et ne se doutait nullement des conséquences théologiques de sa<br />

doctrine. Mais Arnauld, longtemps bienveillant, s'indigne à la<br />

lecture du Traité. Que deviennent en cela les miracles attestés<br />

de l'Écriture Sainte? Ne nous enseigne-t-elle pas à tout moment<br />

suspend l'effet de la loi<br />

que Dieu, par une volonté particulière,<br />

générale « des communications des mouvements »? La vive polé<br />

mique qui s'engage va contraindre Malebranche non pas à pré<br />

ciser sa doctrine, car la clarté y perdra, mais à la nuancer. En<br />

gros, il lui faudra battre en retraite sur des positions théologiques.<br />

Tout d'abord, une distinction subtile lui permet de sauve<br />

garder l'orthodoxie menacée. L'ordre du monde n'est pas seu<br />

lement fondé sur les lois éternelles de la mécanique universelle,<br />

la communication des mouvements ne prétend pas tout régir.<br />

Il est des cas où la sauvegarde de l'ordre exige l'intervention<br />

particulière de Dieu. Malebranche ne prétend pas que « la manne<br />

tomba dans le désert durant quarante ans, tous les jours de la<br />

semaine hormis le samedi, et cela par une suite nécessaire des<br />

lois de la communication des mouvements (2) ». Dès lors, l'univers<br />

de Descartes n'est plus celui de Malebranche qui semble rejoindre,<br />

par derrière la tradition oratorienne de Bérulle, les constructions<br />

gnostiques d'Alexandrie : non seulement il accepte le domaine de<br />

la grâce,<br />

mais développe une curieuse doctrine angélique où<br />

saint Michel évite à Dieu toute intervention directe et lui permet<br />

de rester en coulisse. Mais ce premier recul du rationalisme est<br />

suivi d'un second. Il est des cas où la sauvegarde de l'ordre n'est<br />

nullement engagée : c'est là proprement le domaine du miracle,<br />

volonté particulière et gratuite de Dieu. Mais ces infractions<br />

divines que l'ordre ne réclame pas et permet seulement, sont<br />

rares et impossibles à reconnaître du dehors. La plupart des<br />

miracles de l'Ancien Testament ne sont pas de vrais miracles,<br />

dans la mesure où l'ordre les exige, et « ne marquent nullement<br />

que Dieu agisse souvent par des volontés particulières (3) »; ce<br />

(1) Traité de la nature et de la grâce (p. 89), cité par A. Prat, édit. de<br />

Pensées sur la Comète de Bayle (Société des Textes français modernes,<br />

Paris, Cornély, 1912, t. II, p. 231, note).<br />

(2) Ibid., édit. Genoude, p. 360 b.<br />

(3) C'est le titre même du dernier éclaircissement du Traité précité (ibid.,<br />

p. 360 b). Tout le chapitre sur le miracle d'Henri Gouhier (La Philosophie<br />

de Malebranche et son expérience religieuse, Paris, Vrin, 1926, p. 55 sq) est à<br />

consulter.

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