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SPINOZA

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LA NAISSANCE D'UNE LÉGENDE 13<br />

à l'atomisme antique; La Mothe Le Vayer, après le chancelier<br />

Du Vair et Juste Lipse, se laisse séduire par le stoïcisme.<br />

Mais vers le milieu du siècle, le libertinage perd ses maîtres (1).<br />

Naudé meurt en 1653 à son retour de Suède; Gassendi, chrétien<br />

tenté, après avoir « achevé l'œuvre de sa vie qui est depuis long<br />

temps d'étouffer la vie de son œuvre (2) », disparaît en octobre<br />

1655. Sorbière et Isaac de la Peyrère se sont convertis en 1653<br />

et 1657 et répudient toutes leurs erreurs, confiants dans l'indul<br />

gence de l'Église romaine. En 1656 Bernier s'embarque et ne<br />

reviendra que treize ans plus tard; à son retour, il retrouvera le<br />

seul La Mothe Le Vayer qui mourra en 1672. Entre temps, l'édi<br />

fice gassendiste s'est lézardé; la doctrine pourchassée s'est réfu<br />

giée dans quelques ruelles et dans quelques maisons sûres, à<br />

Àuteuil chez Molière ou chez Ninon de Lenclos rue des Tournelles.<br />

Était-elle solide d'ailleurs? On pourrait en douter en voyant<br />

l'ultime héritier qu'est Bernier écrire en 1674 son Abrégé de la<br />

philosophie de Gassendi et se réfuter lui-même huit ans plus tard.<br />

Ainsi, à l'heure même où l'ordre monarchique et chrétien<br />

consolide ses assises, les derniers libertins du règne précédent<br />

s'assagissent, trahissent ou meurent. Période éminemment cri<br />

tique, car la « relève » (3) des Bayle et des Fontenelle n'est pas<br />

encore prête. Sans figure de proue, miné par l'anarchie intellec<br />

tuelle, déconsidéré par le cartésianisme théologique en qui<br />

l'orthodoxie voit encore un précieux appui, le libertinage fran<br />

çais devait être tenté de chercher hors de France l'homme et la<br />

doctrine qui lui faisaient défaut. Si Montaigne eût encore vécu<br />

et qu'il fût allé en Hollande, nul doute qu'il eût découvert<br />

Spinoza dans sa retraite : ce rôle était réservé à deux de ses<br />

authentiques disciples, Jean Dehénault et Saint-Êvremond.<br />

C'est Bayle qui,<br />

dans une note ironique du Dictionnaire histo<br />

rique et critique (4), nous conte l'aventure du premier : « Il<br />

se piquait d'athéisme et faisait parade de son sentiment avec une<br />

fureur et une affection abominables. Il avait composé trois sys<br />

tèmes de la mortalité de l'âme et avait fait le voyage de Hollande<br />

exprès pour voir Spinoza qui cependant ne fit pas grand cas de<br />

son érudition (4). » L'anecdote est piquante et sera reprise à<br />

(1) Cf. R. Pintahd, op. cit. (p. 414-434).<br />

2) Ibid., p. 414.<br />

3 Ibid., p. 432.<br />

(4) Dictionnaire historique et critique, article Hénault.

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