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SPINOZA

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<strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

auteur des Mémoires sur la grâce; Richard Simon avait été exclu<br />

au premier geste de Bossuet. Comment racheter la congrégation<br />

ainsi compromise par tant d'esprits aventureux? C'est à ce<br />

dessein que répondait un de leurs plus brillants sujets, Michel<br />

Le Vassor, en publiant en 1688 De la véritable religion (1), trois<br />

ans après l'exclusion pour jansénisme de Duguet et de Quesnel.<br />

L'intelligence et l'orgueil se partageaient l'esprit indépendant<br />

de Michel Le Vassor. Né à Orléans en 1646, Cordelier et Génovéfain<br />

avant d'entrer à l'Oratoire, il s'était un temps laissé<br />

séduire par l'augustinisme (2); depuis quelques années, appa<br />

remment assagi, il enseignait la théologie à Saint-Magloire, le<br />

séminaire oratorien de Paris. Érudit, disert, d'une science patristique<br />

peu commune, prenant sans réticence son bien chez Grotius<br />

ou Abbadie (3), Le Vassor tient avant tout dans son traité<br />

à déconsidérer la critique moderne. Pour la première fois, une<br />

apologie de la religion chrétienne prend un aspect purement<br />

défensif. Le Vassor, au contraire de Frassen et de Martianay, ne<br />

sous-estime pas ses adversaires. Le plus solide, par sa cohérence<br />

et sa franchise, c'est Spinoza; mais bien plus dangereux encore<br />

les Leclerc et les Simon : « Que Spinoza<br />

ses disciples inavoués,<br />

dise donc tant qu'il voudra que le Pentaleuque est une compila<br />

tion de quelques vieux mémoires mal digérés et remplis de<br />

fautes... pouvons-nous attendre autre chose d'un ennemi déclaré<br />

de notre religion? Mais je ne puis assez m'étonner que des gens<br />

qui font profession d'avoir de la religion parmi les catholiques<br />

et parmi les protestants aient entrepris de soutenir ouvertement<br />

que le Pentateuque n'est pas de Moïse et qu'ils aient employé tout<br />

ce qu'ils ont d'esprit et d'érudition à chercher de quoi fortifier<br />

les faibles arguments de Spinoza et des libertins. Fallait-il pour<br />

trois ou quatre petites difficultés abandonner une tradition si<br />

ancienne, si constante (4)? » C'est le ton et apparemment l'assu<br />

rance de Bossuet,<br />

mais l'inquiétude perce lorsqu'il se met en<br />

devoir d'énumérer les « petites difficultés ». Défilent d'abord les<br />

arguments d'autorité : la croyance séculaire qui ne se serait<br />

jamais démentie sans les insinuations d'un « obscur rabbin du<br />

xne<br />

siècle (5) »; le témoignage de Jésus, mais « des gens comme<br />

(1) Paris, Barbin, 1688 (in-4» de 710 p.). Le livre est fièrement dédié à<br />

1 archevêque de Paris, persécuteur de l'Oratoire : • Je ne prétends pas<br />

procurer un défenseur à mon livre mais je viens rendre compte de ma doc<br />

trine à mon évêque. »<br />

(2) Cf. Moreri (in verbo). C'est vers 1681 qu'il abandonne saint Augus<br />

tin, conversion qui d'ailleurs fit jaser.<br />

(31 De la véritable religion. Préface (in 'fine).<br />

4 Ibid., p. 160.<br />

(5) Ibid., p. 164 (évidente allusion à Aben Ezra).

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