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SPINOZA

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194 <strong>SPINOZA</strong> ET LA PENSÉE FRANÇAISE<br />

des livres sacrés. Il ne s'agit plus de préciser la valeur de la<br />

connaissance prophétique,<br />

mais de délimiter son domaine dans<br />

l'Écriture même; en somme, alors que les traditionalistes refusent<br />

toute laïcisation, même partielle, des monuments de l'histoire<br />

juive, les libéraux ne cherchent qu'un compromis qui puisse<br />

exclure de leur foi épurée quelques anachronismes voyants et<br />

quelques scandales métaphysiques. Ainsi, aucune allusion à<br />

Spinoza dans l'in-folio de l'oratorien Bernard Lamy, Apparaius<br />

ad biblia sacra (1), dont le succès exigea pourtant de nombreuses<br />

rééditions; aucune référence à cet aspect du Tractatus chez le<br />

bénédictin Jean qui Martianay accumule péniblement les syllo<br />

gismes dans ses Traités de la vérité et de la connaissance des<br />

livres de la Sainte Écriture (2). Mais Jean Leclerc lui-même,<br />

encore dans toute l'audace de sa jeunesse, n'essaie nullement<br />

de discuter la valeur de la connaissance révélée. Refusant de<br />

considérer le problème dans toute son ampleur, il ne tient qu'à<br />

« soudre tout d'un coup une infinité de difficultés que les libertins<br />

ont accoutumé de proposer contre l'Écriture Sainte (3) ». Délais<br />

sant Spinoza qu'il connaît pourtant fort bien, il revient à Gro<br />

tius et à sa délimitation précise : inspiration des livres prophé<br />

non-inspiration des livres historiques (4). Sa longue<br />

tiques,<br />

polémique contre Richard Simon porte sur la méthode, non sur<br />

l'intention qui demeure identique chez les deux hommes : sau<br />

vegarder de l'Écriture ce qui peut être sauvegardé. M. Albert<br />

Monod caractérise fort bien ce qui les oppose (5) : alors que le<br />

protestant Jean Leclerc justifie l'inspiration des livres sacrés<br />

par le témoignage intérieur du Saint-Esprit, par une confronta<br />

tion de « leur contenu avec l'exigence de sa conscience et les<br />

besoins de son cœur », Richard Simon, prêtre catholique, refuse<br />

toute valeur au témoignage intérieur aux dépens d'un témoi<br />

gnage juridique. Ce qu'il faut à Richard Simon, ce n'est pas<br />

tant une doctrine aventureuse qu'une orthodoxie définitive,<br />

une légalité qui couvre par ailleurs toutes ses audaces historiques<br />

et critiques. Lorsqu'il édifie en 1678 dans son Histoire critique<br />

du Vieux Testament sa théorie des scribes inspirés, il ne désire<br />

nullement attaquer Spinoza auquel il doit tant, mais tout sim<br />

plement se protéger. En fait, il refuse toute interprétation allé-<br />

(1) Grenoble, 1687. Traduction française de 1693. Réimpressions de 1697,<br />

1699, 1709 et 1720 (cf. A. Monod, op. cit., p. 52, note 1).<br />

(2) Paris, Huart, 1694-1697 (4 vol. in-12J.<br />

lettre 11 (cf.<br />

(3) Sentimens de quelques théologiens de Hollande..., 1685,<br />

Monod, op. cit., p. 47).<br />

'"<br />

Ibid., lettres 11 et 12.<br />

Op. cit., p. 47.<br />

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